Et si… Marlowe n’était pas mort à 29 ans ?
Le 30 mai 1593 meurt un jeune dramaturge dans la fleur de l’âge. Il laisse derrière lui six pièces de théâtre. Ainsi qu’un voile de mystère entourant sa vie et sa mort.
Shakespeare naît la même année que Marlowe, en 1564. Mais il lui survivra 23 ans. Et c’est donc le fondateur du Globe Theater que les étudiants de la terre entière lisent (douloureusement) depuis près de 400 ans. C’est donc lui que l’on considère comme un génie intemporel, au même titre qu’un Homère ou un Einstein.
Mais si Marlowe avait vécu aussi longtemps que Shakespeare, c’est-à-dire jusqu’à 52 ans, que nous aurait-il laissé ? Aurait-il surpassé l’auteur de Hamlet ?
À son époque, la renommée du jeune Christopher dépassait celle de son contemporain William. Et bien avant Goethe, un autre génie universel, c’est lui qui donna ses lettres de noblesse à un certain Faust.
Il fut aussi un des premiers athées à se revendiquer comme tel… ce qui a peut-être joué dans sa tragique mort.
On raconte en effet qu’il rendit son dernier souffle suite à une bagarre qui survint à la sortie d’une taverne. Mais peut-on croire une telle version quand l’on sait qu’il fut aussi un espion (peut-être cela explique-t-il pourquoi Conrad était autant fasciné par lui et a même donné son nom au personnage qui est à la recherche de Kurtz dans Cœur des ténèbres ! N’oublions pas aussi que Conrad a écrit un roman qui s’intitule L’agent secret) ? Ce qui est certain, c’est qu’il cultivait volontairement le secret, sans doute pour se prévenir des attaques liées à son athéisme féroce (il faisait partie du même cercle intellectuel que Walter Raleigh). Il devait d’autant plus le cacher puisqu’à l’époque (mais les choses ont-elles tant changé aujourd’hui ?) l’Etat exerçait une censure sévère sur les œuvres publiées, et afin de pouvoir passer au travers des filets, il se devait de faire profil bas. Larvatus prodeo.
Marlowe vivait à une de ces époques où, si l’on croyait en l’astrologie, on pourrait penser, les étoiles s’alignent parfaitement pour faire naître une concentration de grands esprits en un même lieu. Il était contemporain de Thomas Kyd, de Thomas Harriot, de Sir Walter Raleigh, de Webster, d’Elizabeth 1ère et, bien entendu de Shakespeare. On peut comparer cette époque à l’Italie de la renaissance qui voyait Michel-Ange, Raphael et Léonard de Vinci se côtoyer (à ne pas confondre avec des tortues du même nom qui aiment la Domino’s pizza !) ou encore l’Allemagne du début 19ème avec Schiller, Goethe, Hegel, Schopenhauer.
Un autre des traits qui le définissait c’est qu’il était, à l’instar de la plupart des grands esprits, homosexuels. Ainsi, on ne peut pas, quand on songe à sa rivalité tant intellectuelle qu’humaine avec Shakespeare, ne pas penser à celle opposant Michel-Ange à Léonard de Vinci. Marlowe comme Michel-Ange étaient animés par l’Ethos, alors que Shakespeare et de Vinci étaient davantage mués par le Logos.
Le caractère d’un homme, nous dit le philosophe d’Ephèse, c’est son destin. Et Marlowe a vécu et est mort selon son caractère.
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