« Un peu de mon corps est passé dans mon texte. » - Montaigne



L’activité d’écrivain est pulsion de mort, et l’écrivain est un être-pour-la-mort. On se dépouille soi-même pour créer d’autres soi-même, que ce soit de la littérature de fiction ou des idées.

Toute littérature est littérature de fiction, de friction. Le lecteur se frotte à l’auteur. Ce dernier doit le démanger. C’est comme dans la tectonique des plaques ; c’est le glissement entre une plaque supérieure et une plaque inférieure qui fait dériver les continents du lecteur et de l’auteur. Et l’on reconnaît que c’est puissant, quand cela donne lieu à des éruptions volcaniques ou des raz-de-marée dans la tête du lecteur.



Certes, le lecteur préfère parfois des mers calmes pour naviguer ; cela est plus propice aux rêves. Il choisira ainsi plutôt d’embarquer à bord de l’Hispaniola avec Jim Hawkins et aller à la recherche d’un trésor bien réel en espèces sonnantes et trébuchantes au lieu de grimper sur le Pequod du capitaine Achab en quête d’une obsession métaphysique.

Quant à l’auteur que je suis, j’invite le lecteur, je le contrains même, à un voyage cauchemardesque et je lui cris : Chassons-la cette maudite baleine blanche !

Ne m’appelez pas Jim Hawkins… Appelez-moi Ishmael !



La sodomie est l’acte sublime par excellence car il vient bousculer les trois monothéismes qui ont sacralisé l’acte sexuel et en ont fait une téléologie en vue de la procréation.

La sodomie incarne la « surprise », un phénomène violent à la dérobée.

Il faut prendre le lecteur par derrière et la lui mettre bien profond.


Wednesday 23 March 2011

Devoir de mémoire

     La décadence d'une société se mesure au fait que l'on nourrit plus de respect pour les morts que pour les vivants. Nous vouons un culte morbide aux prisonniers des camps de concentration (il ne faut pas salir leur mémoire en portant une analyse sur certains événements de la Seconde Guerre) alors qu'on peut casser allègrement l'islam et Mahomet, quitte à blesser dans leur foi près d'un milliard et demi d'individus! Cette schizophrénie raciste veut que l’on ne puisse pas dire un mot sur l’extermination des juifs alors que l’on peut caricaturer la religion musulmane ; nier l’holocauste crée de la souffrance chez les survivants et chez ceux qui appartiennent à ce peuple : c’est compréhensible. Dénigrer Mahomet offense les musulmans : c’est compréhensible. La solution n’est pas de tout empêcher ! au contraire, elle consiste à pouvoir tout dire, ce qui rend possible tout penser, ce qui est la seule façon d’être vraiment libre, d’être un individu à part entière.

     Le devoir de mémoire est un résidu platonicien, et donc chrétien qui établit l'existence et la prédominance d'un alter-monde (les chrétiens diront « arrière-monde ») sur le monde actuel, matériel et CONTEMPORAIN... toujours regarder en arrière éclipse la vision d'un avenir- on vit dans le passé par peur d'affronter le présent ; le passé devient la demeure de la peur, l'ultime refuge pour tous les ressentiments et toutes les frustrations ; les musulmans regardent toujours en arrière pour se vanter d'une pseudo-époque d'un islam florissant, les juifs ET LES OCCIDENTAUX vers la shoah, et les noirs vers l'esclavage. Les occidentaux tendent à oublier qui ils sont et que jamais le judaïsme en tant que tel, c’est-à-dire, en tant que religion, a joué un rôle dans son histoire. Le passé, ou l'imaginaire d'un passé en ce qui concerne les musulmans et les occidentaux, prend le pas sur le présent.

     De plus, l'histoire, de par son essence n'est pas une discipline scientifique ; elle est une construction de projections disparates individuelles, de circonstances réelles et fantasmées. Que m'importe qu'Alexandre ait véritablement tranché le nœud gordien, que Galilée ait dit « et pourtant elle tourne », que César eut prononcé « Alea jacta est » en franchissant le Rubicon; l'histoire est une IDÉE, l’histoire du monde se fond, se déverse dans l’histoire personnelle de tout un chacun, et il y a autant d'histoires qu'il y a d'individus ! Comme Wittgenstein le faisait remarquer, l’histoire ne doit être envisagée que comme un « jeu de langage » où chaque événement se voit attribué une signification précise dépendant de ceux qui assistent a posteriori à son déroulement- on voit l’histoire comme dans un rêve, et le rêveur l’interprète selon ses propres données.

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