« Un peu de mon corps est passé dans mon texte. » - Montaigne



L’activité d’écrivain est pulsion de mort, et l’écrivain est un être-pour-la-mort. On se dépouille soi-même pour créer d’autres soi-même, que ce soit de la littérature de fiction ou des idées.

Toute littérature est littérature de fiction, de friction. Le lecteur se frotte à l’auteur. Ce dernier doit le démanger. C’est comme dans la tectonique des plaques ; c’est le glissement entre une plaque supérieure et une plaque inférieure qui fait dériver les continents du lecteur et de l’auteur. Et l’on reconnaît que c’est puissant, quand cela donne lieu à des éruptions volcaniques ou des raz-de-marée dans la tête du lecteur.



Certes, le lecteur préfère parfois des mers calmes pour naviguer ; cela est plus propice aux rêves. Il choisira ainsi plutôt d’embarquer à bord de l’Hispaniola avec Jim Hawkins et aller à la recherche d’un trésor bien réel en espèces sonnantes et trébuchantes au lieu de grimper sur le Pequod du capitaine Achab en quête d’une obsession métaphysique.

Quant à l’auteur que je suis, j’invite le lecteur, je le contrains même, à un voyage cauchemardesque et je lui cris : Chassons-la cette maudite baleine blanche !

Ne m’appelez pas Jim Hawkins… Appelez-moi Ishmael !



La sodomie est l’acte sublime par excellence car il vient bousculer les trois monothéismes qui ont sacralisé l’acte sexuel et en ont fait une téléologie en vue de la procréation.

La sodomie incarne la « surprise », un phénomène violent à la dérobée.

Il faut prendre le lecteur par derrière et la lui mettre bien profond.


Thursday 24 March 2011

Et si les Arabes n’avaient pas traduit Aristote ?

Et si les Arabes n’avaient pas traduit Aristote ?


À l’heure où l’Occident connaît de plus en plus un repli identitaire et où la plupart des pays d’Europe se pose cette question des plus absurdes (car de fait, ils essentialisent la notion de peuple et d’identité) : l’Islam est-il ‘soluble’ dans l’Occident ? il serait bienvenu de faire un peu les comptes et de voir ce que les Occidentaux doivent à ses barbares… je voulais dire, ces Berbères !
Rendons-donc à Mahomet ce qui appartient à Mahomet.

D’abord, les échecs… bien sûr, ce sont les Indiens qui l’ont inventé, mais ce sont les Perses et les Arabes qui l’on développé avec les règles que nous lui connaissons et ce sont surtout les Arabes qui l’on fait connaître à l’Europe.
Ensuite, nous leur devons aussi le fait d’être amoureux !
Bon, j’entends les protestations ! L’amour est un sentiment universel que tous les peuples, du fin fond de l’Amazonie aux grandes métropoles, en tout temps, depuis le paléolithique jusqu’à ce que l’on ait réussi à aller sur la lune, connaissent. L’amour est partout et pour tous… et mon cul, c’est du lapin ou de la daube ?

L’amour, c’est comme la poudre ou l’écriture, certains l’ont inventé et d’autre pas. L’amour, tel que nous le connaissons aujourd’hui (car avec la mondialisation, tout le monde est amoureux tout comme tout le monde bouffe chez McDo) est le fruit du fin amors médiéval. Et celui-ci, Stendhal le dit d’ailleurs clairement dans son De l’amour, a été hérité des Arabes après que ceux-ci aient envahi l’Europe.

Mais ne nous attardons pas sur cet épiphénomène qu’est l’amour. Concentrons-nous plutôt sur ce qui fait que nous nous distinguons des autres espèces animales : la logique. Comme souvent, quand l’on cherche l’origine d’une chose, il faut se tourner vers la Grèce, et comme toujours quand l’on se tourne vers la Grèce, il faut se tourner vers Aristote. Le précepteur d’Alexandre et élève de Platon, cet homme qui gardait les cheveux longs, ce ‘hippy’ de l’antiquité et qui aimait à portait des bagues (ce qui ne manquait pas de provoquait le courroux de ce réac de Platon) avait tout pensé et tout écrit.

Mais pendant près d’un demi-millénaire, son œuvre est tombée dans l’oubli… jusqu’au jour où au neuvième siècle de notre ère à Bagdad, le Calife Al-Mamun ne fasse un rêve dans lequel lui apparut Aristote et qu’il décide suite à cela de faire traduire tous les textes grecs qu’il avait recueilli de Byzance et fonda aussi la Maison de la sagesse, et qui fut fréquentée par plusieurs personnages de renoms dont le mathématicien Al-Khawarizmi, qui est à l’origine des mots « algèbre » (du nom d’un de ses ouvrages sur le calcul) et « algorithme » (qui n’est autre que la latinisation de son propre nom), ainsi que le philosophe Al-Kindi, ce Bergson avant l’heure, qui propose une preuve de Dieu en se référant au temps qui, comme pour Heidegger, est l’horizon de l’être, et qui dépoussière Platon.

Sans les Arabes, pas de Descartes (ce qui par contre aurait été une bonne chose… ce singe savant a vampirisé la raison française, lui qui réduisait les animaux à de la simple mécanique. La France n’a jamais produit que deux vrais philosophes : Bergson et Baudrillard), pas de ‘Lumières’ françaises ni de ‘Aufklärung’ allemand ! Donc, pas de révolution non plus, sans doute ni de droits de l’homme, principe dont se targue tant les Occidentaux… !


S’il n’y avait pas eu cette Summa translatio, cette grande traduction, transmission, l’Europe aurait sans doute dû attendre encore des décennies, voire des siècles, avant de fréquenter à nouveau la pensée grecque. Et alors, où en serions-nous aujourd’hui ?

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