« Un peu de mon corps est passé dans mon texte. » - Montaigne



L’activité d’écrivain est pulsion de mort, et l’écrivain est un être-pour-la-mort. On se dépouille soi-même pour créer d’autres soi-même, que ce soit de la littérature de fiction ou des idées.

Toute littérature est littérature de fiction, de friction. Le lecteur se frotte à l’auteur. Ce dernier doit le démanger. C’est comme dans la tectonique des plaques ; c’est le glissement entre une plaque supérieure et une plaque inférieure qui fait dériver les continents du lecteur et de l’auteur. Et l’on reconnaît que c’est puissant, quand cela donne lieu à des éruptions volcaniques ou des raz-de-marée dans la tête du lecteur.



Certes, le lecteur préfère parfois des mers calmes pour naviguer ; cela est plus propice aux rêves. Il choisira ainsi plutôt d’embarquer à bord de l’Hispaniola avec Jim Hawkins et aller à la recherche d’un trésor bien réel en espèces sonnantes et trébuchantes au lieu de grimper sur le Pequod du capitaine Achab en quête d’une obsession métaphysique.

Quant à l’auteur que je suis, j’invite le lecteur, je le contrains même, à un voyage cauchemardesque et je lui cris : Chassons-la cette maudite baleine blanche !

Ne m’appelez pas Jim Hawkins… Appelez-moi Ishmael !



La sodomie est l’acte sublime par excellence car il vient bousculer les trois monothéismes qui ont sacralisé l’acte sexuel et en ont fait une téléologie en vue de la procréation.

La sodomie incarne la « surprise », un phénomène violent à la dérobée.

Il faut prendre le lecteur par derrière et la lui mettre bien profond.


Thursday 24 March 2011

Jim Morrison

   Si Dieu était un chanteur, il aurait la voix de James Douglas Morrison.

   À chaque fois que je vais au Père Lachaise, je me fais un devoir de me recueillir sur sa tombe. Quand bien même le célèbre cimetière abrite parmi les plus grands esprits de ces cinq derniers siècles, c’est la tombe du chanteur de l’éternel This is the End qui est la plus fleurie et qui fait l’objet de la plus grande dévotion.

   Ma première rencontre avec son texte et avec sa voix se fit à travers l’inoubliable chef-d’œuvre de Coppola : Apocalypse Now. Qui ne se souvient pas de la scène d’ouverture avec le son des rotors de l’hélicoptère qui épouse parfaitement la guitare de Robby Krieger, Martin Sheen allongé sur le lit d’un hôtel miteux, son pistolet sur la table de chevet et puis soudain, ces paroles : « This is the end… my only friend… the end ! » ?

   Ensuite, je le rencontrai à nouveau dans un autre film, Lost Boys, de Joel Schumacher, qui est bercé tout le long par People are strange. Le réalisateur fait même un clin d’œil au chanteur en accrochant son affiche dans l’antre de cette « génération perdue ».

   Enfin, il eut le biopic d’Oliver Stone, sobrement intitulé The Doors et l’interprétation d’un Val Kilmer plus vrai que nature dans le rôle de Morrison.

      Il eut l’idée du titre de son groupe en lisant Aldous Huxley : The Doors of Perception ; l’écrivain britannique lui-même fut inspiré par William Blake et son recueil The Marriage of Heaven and Hell.

   Jim Morrison peut être considéré comme le Rimbaud de la chanson. En effet, tout comme l’auteur du Bateau ivre, il atteint les sommets de son art jeune, et puis, soudainement, comme si le génie avait horreur de la durée, il décide de tout abandonner. Comme Rimbaud, il traverse les eaux pour explorer d’autres contrées. Comme lui, il a assis la beauté sur ses genoux et l’a trouvée amère ! Mais si l’homme aux semelles de vent eut suffisamment de temps pour s’inventer une nouvelle vie, Morrison, lui n’eut pas cette chance… ou plutôt cette malchance !

   En 1971, après avoir pris de l’embonpoint, il quitta le pays qui l’avait tant encensé et qui en même temps l’avait temps mécompris, pour se rendre en France où il avait décidé de « juste » écrire des poèmes. Mais un soir, on le retrouva mort dans sa baignoire. Et comme pour faire un dernier pied de nez aux Etats-Unis, il s’éteint la veille de la fête d’indépendance, le 3 juillet. On a conclut à une overdose. Le dernier des romantiques s’en est allé.

      Mais son fantôme est toujours présent. Certains prétendent même qu’il serait encore en vie, et à chaque fois qu’à Paris, au détour d’une ruelle, je croise un vieil homme d’une soixantaine d’années, assis sur un banc, gribouillant sur un carnet, je me plais à rêver que j’ai peut-être en face de moi l’homme qui a chanté, de sa voix de baryton : « Ride the snake, ride the snake/ To the lake, the ancient lake, baby/ The snake is long, seven miles/ Ride the snake...he's old, and his skin is cold »…
    

L’Iliade

Chante ô muse ! la grandeur du style et la noblesse de l’âme des personnages homériques !

L’Iliade est à la littérature ce que les pyramides d’Egypte sont aux monuments, un chef-d’œuvre encore aujourd’hui inégalé. Et tout comme il subsiste un doute sur la manière dont les anciens égyptiens ont bâti les grandes pyramides, aujourd’hui encore, les spécialistes se disputent sur la paternité de l’Iliade et de l’Odyssée (qui sera traité sous cette rubrique une prochaine fois). Mais comme pour les pièces shakespeariennes où l’on se demande s’il faut les attribuer vraiment au fondateur du Globe Theater, on peut dire pour le diptyque homérique : ce n’est peut-être pas Homère qui les a écrits, mais c’est un gars que l’on a appelé Homère.
Mais qu’importe si c’est bien l’aède aveugle qui a pondu ces deux chefs-d’œuvre immortels,  le fait est qu’ils sont là.

Homère ne remonte pas ab ovo à l’enlèvement d’Hélène de Troie pour commencer son Iliade. Il débute l’histoire in media res, c’est-à-dire au milieu de l’action, avec la colère d’Achille, fils du roi Pelée et de la nymphe Thétis, contre Agamemnon qui lui a dérobé sa prise de guerre, la jeune captive et prêtresse d’Apollon, Briséis.

Les vingt-quatre chants que constitue l’Iliade représentent un macrocosme de toutes les passions qui peuvent se consumer dans le cœur des hommes. Les Dieux font preuve de bassesse alors que les hommes sont capables de grandeur et de s’élever, comme dans les opéras wagnériens, à la hauteur de surhommes qui rivalisent ainsi avec les immortels Dieux.

L’Iliade, c’est d’abord une histoire d’amitié et de fraternité. Fraternité entre Paris et Hector, d’amitié entre Achille et Patrocle, son meilleur ami… et amant ; car ne l’oublions pas, on parle d’une époque où le véritable amour n’est possible qu’entre hommes. Son compagnon d’arme est aussi celui avec lequel on partage sa couche, ce qui rend la solidarité au combat encore plus forte.
Ainsi, l’Iliade nous parle de ce que les Allemands appellent la mannen Freundschaft, l’amitié virile. Alexandre perpétuera cette tradition très grecque avec son amitié et amour pour son bel Héphaestion après la mort duquel il coupa ses boucles comme le fit le roi des Myrmidons après que Patrocle soit tué par Hector !

L’Iliade, c’est ensuite une écriture poétique hors du commun, à la fois simple et empreinte d’un souffle lyrique incroyable : « L’impétueux Achille est toujours sur les traces d’Hector. Tel, au fond des bois, un chien presse le faon timide, qu’ont alarmé ses cris » (Chant 22).

L’Iliade, enfin, c’est le Crépuscule des Dieux wagnérien. Achille, c’est Siegfried. Le point faible de l’homme « aux pieds rapides » c’est son talon que sa mère tenait quand elle l’a trempé dans le Styx, et Siegfried c’est son épaule qu’une feuille recouvrit au moment où il se baignait avec le sang du dragon Faffner pour se rendre invincible. Dans l’Iliade comme dans la tétralogie de l’anneau, les hommes désirent l’immortalité et les Dieux aspirent à vivre des passions proprement humaines. Les hommes doivent sacrifier leur bonheur pour aspirer à l’éternité et les Dieux renoncer à l’éternité pour un instant d’amour.

Achille fait un choix, vivre comme un simple mortel, vivre longtemps, mais une vie sans gloire. Ou mourir jeune, mais en laissant son nom dans l’histoire. Nous connaissons sa décision. Homère nous montre un homme dans toute sa grandeur… un homme, comme écrivit Shakespeare dans Jules César à propos de Brutus, devant lequel la nature elle-même se dresse pour dire : c’est un homme !

Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Quand nous lisons la ‘suite’, L’Odyssée, Homère nous donne à voir un autre Achille, pathétique, et qui dit à Ulysse une fois dans l’Hadès : « J'aimerais mieux être sur terre domestique d'un paysan/ Fût-il sans patrimoine et presque sans ressources/ Que de régner ici parmi ces ombres consumées... »

Rimbaud aura les mêmes regrets de ne pas simplement avoir vécu comme un simple homme en déclarant : je regrette de ne pas m’être marié !

Difficile en effet, d’être plus qu’un homme.

KAFKA

TRAGIQUE ! c’est ainsi que l’on peut résumer la vie de Franz Kafka !

Kafka s’est rebellé contre tout ce qui constituait son identité.

D’abord, contre sa langue. Il n’y a pas de plus grande violence et d’acte plus rebelle que d’écrire contre la langue du pays dans lequel l’on vit. Et c’est ce qu’a fait Kafka. Vivant à Prague, dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie, il décida d’écrire en allemand !

Après, contre son père. Ce dernier avait refusé que le jeune Franz n’épouse Julie Wohryzeck. Dans la Lettre au père, Kafka le décrivait comme un être autoritaire et qui se plaisait à lui faire constamment des reproches. Cette figure du père qui sera à l’origine de sa métamorphose.

Ensuite, contre la société. La société qui lui fait un procès, cette société qu’il décide de quitter pour traverser l’Atlantique et se réfugier en Amérique. Une société bureaucratisée et dépersonnalisé qui annonce l’avènement du capitalisme et, dans une certaine mesure, du totalitarisme.

Enfin, contre la littérature elle-même. Il donna en effet instruction à Max Brod, son exécuteur testamentaire, de détruire tous ses manuscrits après sa mort. Il n’a voulu rien laisser, il a voulu passer à travers la vie comme ces baisers que l’on écrit dans une lettre et qui ne parviennent jamais à destination car ils sont mangés en route par des fantômes.

Mais qui était Kafka ? Il est plus facile sans doute de répondre à la question : qui n’était pas Kafka ? C’était un tchèque qui ne l’était pas. C’était un Juif qui ne l’était pas (sauf de culture, lui qui était autant fasciné par la Kabbale). C’était surtout un écrivain qui ne l’était pas ! Assertion étonnante en effet vis-à-vis d’un homme qui a donné parmi ses plus belles pages à la littérature du vingtième siècle… être écrivain c’est envisager son travail comme un art, c’est s’imaginer que l’on sera lu, et c’est enfin désirer survivre à sa mort par ses écrits. Kafka, lui, a d’abord conçu l’écriture comme une échappatoire de sa vie de juriste, une échappatoire de sa vie de fils, une échappatoire de sa vie de citoyen. En somme, une échappatoire au « vide »… et c’est là que l’on voit poindre l’influence de la mystique juive, elle qui parle de  Tikkoun olam, de réparation d’une injustice de la société, une vaine tentative de s’échapper du chaos.

Mais le gouffre possède son magnétisme. Il a voulu y retourner. Le gouffre représentait un infini qui l’appelait. Il avait regardé au fond des abymes. Les abymes aussi s’étaient mis à regarder au fond de lui.

Il y avait du Rimbaud en lui. Les deux ont voulu fuir leurs œuvres. Mais le jeune Arthur avait des semelles de vent, le jeune Franz, lui, des semelles de plomb.

Après Kafka, c’est le nazisme, le communisme, l’économie de marché, les droits de l’homme que l’on exporte à coups de canon ! Kafka était un Moïse qui préféra regarder la « terre promise » du progrès de loin, sans jamais la fouler.

Pourquoi lire Kafka ? Parce qu’il a écrit des livres qui, pour emprunter ses propres mots, « nous réveille d'un coup de poing sur le crâne » !


MKSabir

Et si… Gengis Khan n’était pas mort en 1227 ?

Et si… Gengis Khan n’était pas mort en 1227 ?


C’est l’histoire d’un jeune garçon qui avait peur des chiens… et qui allait devenir le plus grand conquérant de l’histoire de l’humanité.

Certains protesteront et diront que je passe un peu vite aux oubliettes des noms comme Alexandre le Grand, Jules César, Napoléon ou bien même Hitler. Je répondrai que leurs protestations émanent en fait d’un eurocentrisme proche du racisme. Ils considèrent en effet que les seuls chefs militaires qui comptent sont des occidentaux et que les autres ne sont que de vulgaires seigneurs de la guerre, brutaux et sanguinaires, et qui ne méritent pas de figurer dans les livres de l’histoire sous prétexte que les territoires qu’ils ont conquis étaient peuplés de sauvages incultes.

Sauf que ces sauvages incultes, au moment où l’Europe était plongé dans un moyen-âge culturel et bâtissait de vulgaires petits hameaux, l’Empire Aztèque érigeait une cité abritant 500,000 âmes, et qu’un certain Temujin, dont l’histoire se rappellera sous le nom de Gengis Khan est sur le point de conquérir le plus vaste étendu de territoires que l’histoire ait connu.

Il nait en 1127, près du lac Baïkal en Russie et à l’âge de 13 ans succède à son père comme chef de sa tribu.

Celui qui parvint à percer la grande muraille de Chine comme un couteau dans du beurre devint en 1206 maître de toute la Mongolie après avoir réussi à unir des peuplades qui depuis des centaines d’années se faisaient la guerre. Il reçoit ainsi le nom de Gengis Khan qui signifie en langue tatare précieux Dieu de la guerre.

Gengis Khan fut, à coté du génie stratège que l’on connaît, aussi un grand réformateur. Il peut être rapproché de Napoléon au sens où lui aussi a donné à son peuple un système législatif complexe (Yassa); ce faisant il le sort de l’état de nature, comme dirait cet empafé de Rousseau, pour pénétrer la civilisation.
Plutôt paradoxale pour un ‘barbare’ !

Le Khagan, c’est aussi la grandeur d’âme… celle en tout cas que l’on peut prêter à un chef militaire. Après que son frère juré l’ait trahi et que celui-ci se sauve après que Gengis Khan eut remporté sur lui la bataille finale, il est capturé par ses propres hommes et apporté devant le chef mongole. Celui-ci, au lieu de se venger, décide plutôt de ‘remercier’ ceux qui le livrèrent en les faisant exécuter, et il propose à Djamuqa d’oublier les rancunes du passé et de combattre à ses côtés.
Cet épisode n’est pas sans rappeler deux autres dans l’histoire des grandes confrontations militaires : Alexandre qui donnent les honneurs à la dépouille de son ennemi perse, le roi Darius III et décident l’exécution des propres hommes du souverain perse qui l’avait trahi et assassiné, et Saladin qui lors d’une bataille contre Richard Cœur de lion, voyant celui-ci se faire désarçonner par son cheval, au lieu de profiter de l’occasion pour en finir complètement avec lui, ordonne à un des ses hommes de lui donner un nouveau cheval afin qu’il puisse continuer de combattre.

Au moment de sa mort, Gengis Khan avait conquis la presque totalité de l’Asie et prévoyait d’étendre ses conquêtes à l’ouest, vers l’Europe. On voit mal l’Occident résister aux hordes mongoles qui, grâce à la technique de pouvoir tirer à l’arc en montant à cheval ont pu venir à bout de tous leurs ennemis.
Ainsi, sans une malheureuse chute de cheval, nous parlerions sans doute aujourd’hui, non une langue européenne, mais une langue mongole, et ce ne sont pas les religions du désert que la majorité du monde suivrait mais plutôt une sorte de chamanisme.

Gengis Khan n’était pas un tyran sanguinaire ; il ne faut pas tomber dans le piège d’analyser les événements passés à l’aune de nos valeurs modernes. Sans quoi, nous n’étudierions plus Aristote, qui était pour l’esclavage ou Heidegger, qui était antisémite.

Les valeurs, les religions, la morale, tout passe.

Seuls certains noms survivent à l’histoire. Gengis Khan est de ceux-là.


MKSabir

Et si… Attila n’était pas mort comme un con le soir des ses noces?

Et si… Attila n’était pas mort comme un con le soir des ses noces?

Il fut une époque où le monde était divisé en deux : les Huns et les autres !

Certains noms dans l’histoire inspirent aussi la crainte et la terreur. Attila est un tel nom… surtout quand on le fait suivre de « fléau de Dieu » !

Le pape Léon 1er qui, selon la légende aurait persuadé le roi des Huns de ne plus ravager l’Italie (nul ne sait exactement ce qu’ils se seraient dit) compara l’occupation hunnique de 452 à un flagellum dei, un fouet de Dieu. Le terme « fléau de Dieu », lui, ne date que du 19ème siècle.
Comme souvent dans des traditions religieux, traditions ayant pour but d’effrayer les croyants et les ramener vers le droit chemin, on compare un conquérant à l’Antéchrist qui viendrait punir les croyants pour s’être éloignés de la foi originel. Déjà, le souverain babylonien Nabuchodonosor II, qui écrasa en 507 avant Jésus-Christ le royaume juif de Juda, était déjà qualifié de « verge de la colère de Dieu » par le prophète Esaïe.

Les grands conquérants, en un point, ressemblent aux communs des mortels : ils ont des problèmes de familles. Mais à la différence de la pratique d’aujourd’hui où l’on va consulter un psy, eux, règlent leurs différents familiaux dans le sang. Romulus assassine Remus. Néron fait exécuter sa mère Agrippine. Et Attila tue son frère Bleda.

Selon les critères moraux d’aujourd’hui, et selon les hypocrites Conventions de Genève (hypocrites, car l’essence de la guerre est justement l’abolition de toutes conventions ; la notion de « droit de la guerre » est un oxymore), Attila était un tyran sanguinaire. Mais il n’a pas fait pire que tous les autres conquérants, et ce, jusqu’à nos jours. De plus, l’image de barbare que nous avons de lui est erronée. Il était avide de connaissance et avait pour la culture romaine une réelle fascination. Aussi, dans des pays tels la Hongrie ou la Turquie, c’est l’image du héros que l’on retient et non du sauvage. Enfin, dans le Nibelungenlied, le poème épique allemand datant du 12ème siècle, il est représenté sous les traits de souverain sage et noble, Etzel !

Attila naît en en 406 et devient empereur des Huns à la mort de son oncle, le roi Ruga. À partir de là, et surtout après la disparition de son frère, il étendra jettera ses dévolues à l’ouest… mais tout en ayant dans le rétroviseur (oui ! c’est pas les anachronismes qui nous étouffent) l’empire byzantin ! Un des épisodes les plus rocambolesques c’est quand la co-impératrice d’Occident, Honoria, veut épouser Attila. Le frère de celle-ci s’y refuse et l’envoie au couvent à Constantinople. Mais la damoiselle n’ayant pas froid aux yeux envoie sa bague à Attila lui promettant que s’il vient la délivrer elle lui cèdera une partie de son empire. Donc, comme Hélène fut à l’origine de la guerre de Troie, c’est une femme qui déclenche la guerre entre les Huns et l’empire romain d’Occident. Nous sommes en 450. Nous sommes à un an des fameux Champs catalauniques !

Cette bataille oppose Attila, dont l’armée compterait 500,00 hommes, et Flavius Aetius, stratège de génie, qualifié de « derniers des Romains », et qui connaît bien les tactiques hunniques puisqu’il a été l’otage de l’oncle d’Attila. Hélas, l’histoire n’a pas retenu son nom comme celui du roi des Huns. Et pourtant, c’est lui qui stoppa net, lors de cette bataille, la fin des incursions ‘barbares’ en Gaule.

Attila meurt deux ans plus tard. Non le glaive à la main, sur un champ de bataille, mais la nuit de ses noces avec sa nouvelle épouse Ildico. Certains historiens avancent l’hypothèse qu’il aurait été assassiné sous les ordres de l’empereur Marcien. D’autres, plus terre à terre, préfèrent imputer son décès à un excès de boisson… quoi qu’il en soit, sans cette mort prématurée, on peut légitimement supposer qu’il serait revenu à l’attaque contre l’empire romain, et celui-ci, agonisant, ne l’aurait pas repoussé longtemps.

Après sa mort, son empire se disloque. L’Occident peut dormir tranquille. Du moins, jusqu’à la conquête arabe…


MKSabir

Et si… Toutankhamon n’était pas mort à 18 ans ?

Et si… Toutankhamon n’était pas mort à 18 ans ?

Certaines civilisations sont si éloignées de nous qu’elles ont l’air de venir d’une autre planète. Si on prend la civilisation romaine ou grecque, on peut trouver des liens d’affiliation avec la nôtre, mais la civilisation égyptienne elle, de part ses coutumes, ses habits, ses mœurs, ses représentations et monuments, et même le physique de ses personnes, est à des années lumières de notre héritage culturel et moral.

Sauf peut-être pendant le règne d’Amenhotep IV, plus connu sous le nom d’Akhenaton ! Avant la cinquième année du règne de ce pharaon de la huitième dynastie, pas grand-chose le distinguait de ses prédécesseurs, mais un beau jour, victime sans doute d’une épiphanie dont seuls en sont capables les grands visionnaires ou alors, thèse moins romantique, pour des raisons politiques, comme en sont capables les petits hommes, il décida d’abandonner le polythéisme traditionnel égyptien pour un monothéisme approximatif (un peu à la manière du christianisme qui n’est pas un pure monothéisme à cause de la doctrine de la trinité) autour de la figure d’Aton, le disque solaire (qui ne serait en fait qu’une émanation, on pense aux hypostases de Plotin, et incarnation de ‘Rê-Horakhtym’, ce qui à nouveau nous renvoie au christianisme avec le fils et le Saint-Esprit). Dans les faits toutefois, nous aurions plutôt affaire à une sorte d’hénothéisme, où plusieurs Dieux sont révérés mais il y en a un qui occupe un rôle proéminent entre tous les autres.

Ce culte n’aura duré que le temps du règne de ce pharaon, c’est-à-dire pendant 17 ans environ. Après cela, pendant le règne du prochain pharaon, dont le monde connaît le nom uniquement à cause des ‘trésors’ découverts en 1922 par Howard Carter et Lord Carnavon, Toutankhamon, le culte d’Aton sera considéré comme une hérésie et les prêtres essaieront d’effacer toute trace de son existence. La nouvelle capitale, Akhetaton, est délaissée pour se rétablir à Thèbes et ensuite à Memphis.

Le jeune pharaon succède à sa sœur ainée et monte sur le trône sous le nom de Toutânkhaton ; mais son jeune âge l’empêche de s’imposer et c’est un certain Aÿ, connu sous le titre de ‘Père Divin’ et le général Horemheb règnent à sa place. À la mort de Toutankhamon, les deux lui succèdent tour à tour. Pendant cette période de corégence, l’ancien culte amonien est rétabli.

Selon certaines hypothèses, notamment émises par l’égyptologue français Nicolas Grimal, déjà sous le règne du père d’Akhenaton, Amenhotep III, commençait une ‘solarisation’ des principaux dieux égyptiens et celle-ci connu sont apogée quand son fils changea son nom pour se faire appeler « celui qui plait à Aton », Akhenaton (à ne pas confondre avec le chanteur du groupe de rap marseillais).

Selon Freud, dans son Homme Moïse et la religion monothéiste c’est ce culte qui serait à l’origine du judaïsme, et Moïse ne serait véritablement qu’un égyptien et non un hébreu « sauvé des eaux » et qui aurait continué à pratiquer le monothéisme et voyant que les hébreux partageaient un culte similaire au sien, décida de s’allier à eux. Après tout, n’est-ce pas Aaron qui parle aux hébreux ? Sans doute parce qu’un égyptien ne connaît pas leur langue !

Si cette hypothèse s’avère vraie, et que Toutankhamon n’eut pas disparu dans d’étranges circonstances et eut trouvé la force de faire perdurer le rêve de son père, il n’y aurait sans doute pas de judaïsme, du moins tel que nous le connaissons, et en conséquence, ni de christianisme ni d’islam.

Ainsi, ce jeune pharaon, dont le nom n’est connu qu’à cause de quelques babioles qui garnissaient sa sépulture, aurait pu changer la face du monde.

Aujourd’hui, c’est peut-être le disque solaire que nous adorions.

MKSabir

Et si… il n’y avait pas eu le 11 septembre ?

Et si… il n’y avait pas eu le 11 septembre ?


Il y aurait toujours eu le 12 septembre ! Ce que j’entends par cette boutade c’est que sans les avions dans les tours jumelles, le soleil se serait quand même levé le lendemain !

Mais ground zero, est devenu, pour parler comme Mircea Eliade, un Axis mundi, le lieu hiérophanique par excellence.

La vérité est que les images des avions s’écrasant dans les tours jumelles ont été le prétexte à une guerre que non seulement les néo-conservateurs désiraient (déjà pendant la présidence de Clinton, Perle avait envoyait une lettre à ce dernier l’enjoignant de renverser Saddam Hussein et d’envahir l’Irak) mais dont l’Amérique, en tant qu’entité, avait besoin.
Déjà, le citoyen Hearst pratiquait le Storytelling ! Et cette pratique est plus que jamais de mise après le 11 septembre, Bush demandant à Fox News : Dessine-moi une guerre !

Les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis et ceux du 11 mars à Madrid entrent dans le cadre de guerres conventionnelles étant donné que ce sont les civils de ces pays qui ont élu les gouvernements contre lesquels se battent ceux qui ont commis ces attentats… PUISQUE TOUTE GUERRE EST CONVENTIONNELLE, car comme le fait remarquer très justement Todorov dans Mémoire du mal. Tentation du bien : « La démocratie ne produit pas les mêmes effets que le totalitarisme ; pourtant, les enfants massacrés ne font pas la différence entre bombes totalitaires et bombes humanitaires, atomiques ou conventionnelles » !

Après ces attentats, une vision eschatologique et théologique se dessine, mais qui était déjà en germe depuis la guerre froide, sous la forme du discours de G. W. Bush lors de son « state of Union address » en 2002 ; en effet, ce jour-là, il parle de « l’axe du mal ».  Cette expression que l’on doit au néo-conservateur David Frum devait d’abord être « axe de la haine » mais Bush l’a changé en « axe du mal » afin de faire écho aux « puissances de l’axe » que constituaient l’Allemagne, l’Italie, et le Japon pendant la guerre 39-45 (les anciens égyptiens expliquaient les mythes par des jeux de mots- aujourd’hui, les jeux de mots servent à expliquer les guerres, à les bricoler. Plus que jamais, Barthes a raison : la langue est fasciste)… Déjà, Truman désignait l’Union Soviétique de puissance du mal ; on peut ainsi constater un fort référent historique et religieux dans une telle expression ! Mais contrairement aux puissances de l’axe qui avaient en commun l’idéologie fasciste, rien ne lie idéologiquement, religieusement ou culturellement l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord, les deux premiers s’étant entre-déchirés pendant une guerre longue de 10 ans, l’Iran étant chiite et reposant sur une structure de gouvernance religieuse, l’Irak étant sunnite, laïque, et le partie baasiste reposant sur le socialisme, et la Corée du Nord étant communiste et athée !
Mais l’énonciation « Axe du mal » est une phrase performative. Il donne aux pays qu’il désigne un statut nouveau, à la fois aux yeux de ladite communauté internationale, mais aussi pour eux-mêmes, qui se posent de facto en opposition à celui qui les a rangé dans cette catégorie.

Même si ensuite C. Rice parle de « outposts of terror », il est probable que Bush ait mis la Corée du Nord dans le lot et pas la Syrie originellement (même si on murmure beaucoup le nom de ce pays entre les murs du Pentagone) afin de ne pas laisser croire à une croisade contre l’Islam, mot qui revient pourtant souvent dans la  bouche du président américain, et qui ne peut pas ne pas faire penser à une opposition frontale entre la chrétienté et le monde islamique…

Bush déclare au Congrès le 20 septembre 2001 : ceux qui ne sont pas avec les Américains sont contre EUX ; mais il ne faut pas tomber ici dans le piège inverse, et adopter une vision manichéenne, en faisant des Américains, les méchants, voulant être le loup dans le poulailler moyen-oriental ; mais c’est presque une raison déterministe qui fera que ce sera ainsi ! Un vide tend toujours à se combler ; et comme le dit Hérodote, jamais aucun Etat qui a eu en sa possession les pleins pouvoirs n’a pas utilisé pleinement ces pouvoirs ! Une puissance est tout le temps utilisée de manière maximale, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien, ce qui permet dès lors la chute d’anciens empires et la naissance de nouveaux.

Sans le 11 septembre, l’Amérique ne se serait pas enlisée en Irak et en Afghanistan et n’aurait pas ainsi amorcé sa chute…

Merci qui ?


MKSabir

Et si… Marlowe n’était pas mort à 29 ans ?

Et si… Marlowe n’était pas mort à 29 ans ?


Le 30 mai 1593 meurt un jeune dramaturge dans la fleur de l’âge. Il laisse derrière lui six pièces de théâtre. Ainsi qu’un voile de mystère entourant sa vie et sa mort.

Shakespeare naît la même année que Marlowe, en 1564. Mais il lui survivra 23 ans. Et c’est donc le fondateur du Globe Theater que les étudiants de la terre entière lisent (douloureusement) depuis près de 400 ans. C’est donc lui que l’on considère comme un génie intemporel, au même titre qu’un Homère ou un Einstein.

Mais si Marlowe avait vécu aussi longtemps que Shakespeare, c’est-à-dire jusqu’à 52 ans, que nous aurait-il laissé ? Aurait-il surpassé l’auteur de Hamlet ?

À son époque, la renommée du jeune Christopher dépassait celle de son contemporain William. Et bien avant Goethe, un autre génie universel, c’est lui qui donna ses lettres de noblesse à un certain Faust.
Il fut aussi un des premiers athées à se revendiquer comme tel… ce qui a peut-être joué dans sa tragique mort.

On raconte en effet qu’il rendit son dernier souffle suite à une bagarre qui survint à la sortie d’une taverne. Mais peut-on croire une telle version quand l’on sait qu’il fut aussi un espion (peut-être cela explique-t-il pourquoi Conrad était autant fasciné par lui et a même donné son nom au personnage qui est à la recherche de Kurtz dans Cœur des ténèbres ! N’oublions pas aussi que Conrad a écrit un roman qui s’intitule L’agent secret) ? Ce qui est certain, c’est qu’il cultivait volontairement le secret, sans doute pour se prévenir des attaques liées à son athéisme féroce (il faisait partie du même cercle intellectuel que Walter Raleigh). Il devait d’autant plus le cacher puisqu’à l’époque (mais les choses ont-elles tant changé aujourd’hui ?) l’Etat exerçait une censure sévère sur les œuvres publiées, et afin de pouvoir passer au travers des filets, il se devait de faire profil bas. Larvatus prodeo.

Marlowe vivait à une de ces époques où, si l’on croyait en l’astrologie, on pourrait penser, les étoiles s’alignent parfaitement pour faire naître une concentration de grands esprits en un même lieu. Il était contemporain de Thomas Kyd, de Thomas Harriot, de Sir Walter Raleigh, de Webster, d’Elizabeth 1ère et, bien entendu de Shakespeare. On peut comparer cette époque à l’Italie de la renaissance qui voyait Michel-Ange, Raphael et Léonard de Vinci se côtoyer (à ne pas confondre avec des tortues du même nom qui aiment la Domino’s pizza !) ou encore l’Allemagne du début 19ème avec Schiller, Goethe, Hegel, Schopenhauer.

Un autre des traits qui le définissait c’est qu’il était, à l’instar de la plupart des grands esprits, homosexuels. Ainsi, on ne peut pas, quand on songe à sa rivalité tant intellectuelle qu’humaine avec Shakespeare, ne pas penser à celle opposant Michel-Ange à Léonard de Vinci. Marlowe comme Michel-Ange étaient animés par l’Ethos, alors que Shakespeare et de Vinci étaient davantage mués par le Logos.

Le caractère d’un homme, nous dit le philosophe d’Ephèse, c’est son destin. Et Marlowe a vécu et est mort selon son caractère.

Et si… Henry VIII n’avait pas été un gros obsédé sexuel ?

Et si… Henry VIII n’avait pas été un gros obsédé sexuel ?

Chaque courant religieux connaît des dissensions plus ou moins grandes en son sein à un moment ou à un autre ; ce fut le cas pour le Judaïsme dont une des branches dissidentes a d’ailleurs donné naissance au Christianisme ; il en va de même pour l’Islam, qui peu après la mort de Mahomet a connu différents schismes ou comme l’Hindouisme d’où le Bouddhisme s’est détaché. Le premier schisme important du Christianisme est celle qui intervient entre Rome et Constantinople, entre l’église orientale de l’ancienne Byzance et l’église latine en 1054. Outre les différences religieuses et culturelles qui furent à l’origine du différend et de la séparation, un profond fossé théologique existait et qui peut se résumer sous le terme « filioque » qui signifie : « et du fils ». Ce terme fut ajouté au Symbole de Nicée par le concile Tolède III en 589 : « Credo in Spiritum Sanctum qui ex patre filioque procedit », c’est-à-dire : Je crois en l'Esprit-Saint qui procède du Père et du Fils. Par le fait qu’elle traduisait une conception occidentale de la trinité, elle fut rejetée par le patriarche de Constantinople.

Comme souvent, les plus grands schismes n’interviennent pas pour des raisons religieuses mais pour des raisons politiques et d’accession au pouvoir. Tout comme la mort de Mahomet donnait naissance au courant chiite, qui provient de l’expression arabe Chiat Ali, et qui signifie « les partisans d’Ali », ce dernier étant le beau-fils du prophète des musulmans et qui allait devenir le quatrième calife, mais qui en réalité découlait uniquement d’une lutte pour le pouvoir, il en va de même pour les origines du Protestantisme et illustre les raisons pour lesquelles certains pays ont adopté la réforme. L’Angleterre n’épousa la réforme que parce que le pape Clément VII refusa d’annuler le mariage du roi Henri VIII avec Catherine d’Aragon.

C’est donc grâce à, ou à cause de, c’est selon, d’une femme que l’Angleterre coupa le cordon ombilicale d’avec la papauté et épousa la doctrine protestante.

De tout temps, il y eut des gens qui ont voulu purifier leur religion. Un certain Yehoshuah Nazareth, en 30 de notre ère, en Galilée, a voulu épurer le Judaïsme ! Cinq siècles plus tôt, un gars, Siddharta Gautama, se révolte contre le système des castes dans l’hindouisme et le cycle sans fin des réincarnations. Le 31 octobre 1517, un moine augustin publie dans la ville de Wittenberg, en Allemagne, 95 thèses qui vont ébranler la chrétienté à jamais.

Sans Luther, et surtout sans Henry VIII et ses passions amoureuses, pas de guerre du Vietnam, d’Irak ou d’Afghanistan.
Ce sont les pilgrim fathers venant de l’Angleterre qui fondèrent la nation américaine, et à la base de cette triste naissance se trouve la conviction fanatique que l’Amérique a été choisie par le Très-Haut pour être le phare du monde. La géopolitique états-unienne dérive directement de la doctrine protestante de « l’élection » ; et c’est bien à cause de cela que les néoconservateurs américains se sentent proches d’Israël puisque les deux se basent sur l’Ancien Testament alors que les Catholiques préfèrent eux le nouveau.

Pour l’anecdote, rappelons que c’est le roi d’Angleterre (1509-1547) qui inspira, en partie (avec Gilles de Rais) le personnage de Barbe Bleue, puisque de ses six épouses, il en fit décapiter deux, Anne Boleyn et Catherine Howard.

Enfin, et ironie suprême de l’histoire, alors que le puissant roi à l’embonpoint généreux désirait hardiment un fils d’Anne Boleyn pour lui succéder, c’est leur fille, Elizabeth, qui allait devenir un des plus grands souverains d’Europe.

L’histoire est joueuse.

Et si les Arabes n’avaient pas traduit Aristote ?

Et si les Arabes n’avaient pas traduit Aristote ?


À l’heure où l’Occident connaît de plus en plus un repli identitaire et où la plupart des pays d’Europe se pose cette question des plus absurdes (car de fait, ils essentialisent la notion de peuple et d’identité) : l’Islam est-il ‘soluble’ dans l’Occident ? il serait bienvenu de faire un peu les comptes et de voir ce que les Occidentaux doivent à ses barbares… je voulais dire, ces Berbères !
Rendons-donc à Mahomet ce qui appartient à Mahomet.

D’abord, les échecs… bien sûr, ce sont les Indiens qui l’ont inventé, mais ce sont les Perses et les Arabes qui l’on développé avec les règles que nous lui connaissons et ce sont surtout les Arabes qui l’on fait connaître à l’Europe.
Ensuite, nous leur devons aussi le fait d’être amoureux !
Bon, j’entends les protestations ! L’amour est un sentiment universel que tous les peuples, du fin fond de l’Amazonie aux grandes métropoles, en tout temps, depuis le paléolithique jusqu’à ce que l’on ait réussi à aller sur la lune, connaissent. L’amour est partout et pour tous… et mon cul, c’est du lapin ou de la daube ?

L’amour, c’est comme la poudre ou l’écriture, certains l’ont inventé et d’autre pas. L’amour, tel que nous le connaissons aujourd’hui (car avec la mondialisation, tout le monde est amoureux tout comme tout le monde bouffe chez McDo) est le fruit du fin amors médiéval. Et celui-ci, Stendhal le dit d’ailleurs clairement dans son De l’amour, a été hérité des Arabes après que ceux-ci aient envahi l’Europe.

Mais ne nous attardons pas sur cet épiphénomène qu’est l’amour. Concentrons-nous plutôt sur ce qui fait que nous nous distinguons des autres espèces animales : la logique. Comme souvent, quand l’on cherche l’origine d’une chose, il faut se tourner vers la Grèce, et comme toujours quand l’on se tourne vers la Grèce, il faut se tourner vers Aristote. Le précepteur d’Alexandre et élève de Platon, cet homme qui gardait les cheveux longs, ce ‘hippy’ de l’antiquité et qui aimait à portait des bagues (ce qui ne manquait pas de provoquait le courroux de ce réac de Platon) avait tout pensé et tout écrit.

Mais pendant près d’un demi-millénaire, son œuvre est tombée dans l’oubli… jusqu’au jour où au neuvième siècle de notre ère à Bagdad, le Calife Al-Mamun ne fasse un rêve dans lequel lui apparut Aristote et qu’il décide suite à cela de faire traduire tous les textes grecs qu’il avait recueilli de Byzance et fonda aussi la Maison de la sagesse, et qui fut fréquentée par plusieurs personnages de renoms dont le mathématicien Al-Khawarizmi, qui est à l’origine des mots « algèbre » (du nom d’un de ses ouvrages sur le calcul) et « algorithme » (qui n’est autre que la latinisation de son propre nom), ainsi que le philosophe Al-Kindi, ce Bergson avant l’heure, qui propose une preuve de Dieu en se référant au temps qui, comme pour Heidegger, est l’horizon de l’être, et qui dépoussière Platon.

Sans les Arabes, pas de Descartes (ce qui par contre aurait été une bonne chose… ce singe savant a vampirisé la raison française, lui qui réduisait les animaux à de la simple mécanique. La France n’a jamais produit que deux vrais philosophes : Bergson et Baudrillard), pas de ‘Lumières’ françaises ni de ‘Aufklärung’ allemand ! Donc, pas de révolution non plus, sans doute ni de droits de l’homme, principe dont se targue tant les Occidentaux… !


S’il n’y avait pas eu cette Summa translatio, cette grande traduction, transmission, l’Europe aurait sans doute dû attendre encore des décennies, voire des siècles, avant de fréquenter à nouveau la pensée grecque. Et alors, où en serions-nous aujourd’hui ?

Et si… Alexandre le Grand n’était pas mort à 33 ans à Babylone ?

Et si… Alexandre le Grand n’était pas mort à 33 ans à Babylone ?


Dans l’antiquité, la légende disait que le jour où le temple d’Artémis à Ephèse serait détruit, cela annoncerait la chute de toute l’Asie. Selon Plutarque, Alexandre le Grand naquit le même jour où Erostrate (qui sans doute allait inspirer Mishima 2300 ans plus tard pour son Pavillon d’or) incendiait le sanctuaire de la déesse de la chasse.
Nous sommes le 21 juillet de l’an 356 avant notre ère.

Alexandre a tellement pénétré l’inconscient collectif qu’on a du mal à croire qu’il ait été un personnage réel et non un héros homérique. Car c’est justement chez Homère qu’il puisait sa plus grande inspiration, et notamment dans L’Illiade. On raconte qu’il (dans cet article les assertions seront souvent mises au conditionnel étant donné qu’à propos du jeune roi macédonien il est si difficile de démêler le vrai du faux, la réalité du mythe) emportait toujours avec lui, lors de ses campagnes, un exemplaire du livre décrivant la guerre de Troie… annoté par Aristote lui-même !
Ça a de la gueule !

Car en effet, Aristote fut son précepteur. Mais comme souvent chez les grands hommes, ce n’est pas la reconnaissance qui les étouffent puisque plus tard, il fera exécuter le neveu du fondateur du ‘Lycée’, accusé d’avoir fomenté un complot à son égard pour l’assassiner.
Quand le plus grand chef militaire de l’antiquité a comme professeur le plus grand philosophe de l’histoire, cela ne peut mener qu’à la conquête du monde connu.

C’est en effet l’auteur de La Politique qui dès son plus jeune âge l’encouragea à aller toujours vers l’est, reconquérir les cités grecques tombées sous le joug perse, les perses qu’Aristote (eh oui ! personne n’est parfait) assimilait à de la flore et de la faune… dont Alexandre constatera le mensonge quand il entrera dans Persépolis, merveille des merveilles.

Mentionnons, pour l’anecdote (même si l’anecdote chez les grands révèle un trait de caractère déterminant dans leurs destins) qu’il avait parfois pour habitude de demander à Aristote de faire le cheval et lui grimpait alors dessus.

Alexandre donc, après que son père Philippe II lui ait dit : « La Macédoine est trop petite pour toi, il te faut aller vers d’autres contrées » et une fois que celui-ci fut assassiné dans d’étranges circonstances (la coupable idéale est toute trouvée, l’épouse délaissée, Olympias), Alexandre, maintenant roi et à la tête des puissantes phalanges héritées de son père, décide de combattre Darius III, souverain de la Perse, rois des rois. Trois batailles seront décisives, Granique, Issos et enfin Gaugamèles ; Alexandre, à la tête d’une armée d’environ 50,00 hommes franchit l’Euphrate et le Tigre pour combattre la puissante armée perse qui comptait, selon la légende, un million de soldats (mais ces chiffres mériteraient d’être divisés par deux ou trois). Après la victoire macédonienne, Darius s’enfuit. Alexandre devient maître du monde… du moins, du monde connu par les Grecs.

Mais justement, les rêves d’Alexandre ne s’arrêtent pas à la géopolitique que lui a enseignée Aristote. Il veut conquérir, non plus seulement pour assurer la prospérité de la Grèce, mais pour le seul fait de conquérir et de découvrir.

Hélas, ses soldats ne seront pas aussi rêveurs que lui. Leurs seuls rêves se résument à rentrer chez eux et retrouver leurs familles après dix longues années de campagnes militaires. De plus, la révolte gronde au sein de l’armée du jeune roi. Beaucoup de ses soldats, y compris certains généraux, reprochent à Alexandre de trop ‘fraterniser’ avec l’ennemi, et de vouloir se faire adorer comme un Dieu ainsi que d’oublier un peu vite ce qu’il leur doit.

Alexandre, comme tout grand homme est irascible, et un soir, sous l’influence de l’alcool, il se laissera emporté et tuera un de ses plus proches amis, Cleithos.
Il ne se remettra jamais vraiment de cette infamie.

Après l’Inde, c’est vers l’Arabie qu’il jette son dévolu.

Mais il mourra à Babylone, à 33 ans. Selon Quinte-Curce, d’une fièvre.

Il est intéressant de remarquer qu’à l’exception de quelques uns, peu de grands chefs militaires sont morts au combat. Même césar, c’est au Sénat qu’il fut assassiné. Ni Hannibal, qui se donna la mort pour ne pas être fait prisonnier par les romains, ni Gengis Khan ou bien même Napoléon ou Rommel ne sont morts les armes à la main.

César, dit-on, devant une statue d’Alexandre à Cadix en Espagne, sanglotait. Quand un légionnaire lui demanda la raison de telles plaintes, il répondit : à mon âge, il avait conquis la moitié du monde connu, et moi, qu’ais-je encore fais ?

Hégésias de Magnésie, historien grec du 3ème siècle de notre ère et auteur d'une biographie d'Alexandre, déclara à propos de l’incendie du temple d’Artémis: on comprend que le temple ait brûlé, puisque Artémis était occupée à mettre Alexandre au monde !

M.K. SABIR

Wednesday 23 March 2011

Et si… Dante n’avait pas rencontré Béatrice ?

Et si… Dante n’avait pas rencontré Béatrice ?


Quand un corps céleste entre dans le champ d’attraction d’un astre, la trajectoire qu’emprunte le premier est déviée par la force gravitationnelle du second. Le corps céleste qu’était Dante fut dévié par l’astre qu’était Béatrice.

Beaucoup de grandes œuvres sont le fruit d’une déception amoureuse. Si Kierkegaard n’avait pas rompu ses fiançailles d’avec Regine Olsen, peut-être que le monde aurait perdu une des plus grandes pensées existentialiste. Si Lou Andreas-Salomé avait accepté la demande en mariage de Nietzsche, ce dernier n’aurait pas accouché d’une des philosophies les plus révolutionnaires de ces vingt derniers siècles… et si Dante Alighieri avait consommé son amour avec la belle Béatrice Portinari, sans doute serions nous passés à côté d’un des monuments de la littérature, La Divine Comédie !

Pour Dante, Béatrice était cette intermédiaire entre l’humain et le divin. Comme dans les hypostases plotiniennes, qui découlent d’une procession de L’Un jusqu’à l’âme et où l’intelligence est la médiane, chez Dante, c’est Béatrice qui est l’âme, et la théorisation qu’il fait de sa pureté dans la Vita Nuova et sa Divine Comédie permet l’ascension jusqu’à l’Un, que les Grecs qualifiaient aussi de Noûs, c’est-à-dire, la partie divine de l’âme. L’âme de Béatrice a servi de miroir au poète, miroir qui lui renvoyait le reflet de quelque chose de plus grand, de transcendantal.

Mais l’âme ne se suffit pas en lui-même puisque nous ne sommes pas des êtres éthérés. Ainsi, l’œuvre dont accouche Dante qu’il soit beau n’empêche pas qu’il soit plat, que sa surface ne soit construite que sur deux dimensions. Il n’a pas eu le corps de Béatrice, il l’a eu en pensées uniquement. Ce faisant, il ne vit son amour que par procuration en l’intellectualisant, mais la plus grande intelligence, se greffant sur du vide, ne donne que du vide.

Comme chez Pétrarque, c’est l’inaccessibilité de la dame qui est la ‘rampe de lancement’ vers un amour idéalisé. En ce sens, Dante perpétue la tradition platonicienne qui distingue l’Eros terrestre de l’Eros céleste ; seul ce dernier pour le poète est digne. Dante ne rencontre Béatrice qu’à deux reprises, la première en 1274, alors qu’il n’a que neuf ans, et la seconde neuf années plus tard. Elle meurt sept ans après sans qu’il ne l’ait jamais revue. Béatrice n’a jamais accordé la moindre attention à Dante… et c’est bien pourquoi il a pu l’idéaliser, ou, pour parler comme Stendhal dans De l’amour, ‘cristalliser’.
Sans doute que s’ils avaient été ensemble, il se serait rendu compte qu’elle n’était qu’une chieuse qui lâche des pets, a des poils sous les aisselles, et ne sait pas cuisiner… et si ça se trouve, était un mauvais coup au lit.

Mais ne détruisons pas les mythes. Les humains, et les poètes encore plus, en ont besoin. Toute sa vie, Dante n’aura de cesse de penser à elle et elle se transfigurera partout dans son œuvre et il écrira dans le chant V de son Enfer : « Nessun maggior dolore Che ricordarsi del tempo felice Nella miseria », il n’y a pas de plus grande douleur que de se rappeler les moments heureux dans le malheur.

La laïcité : le veau d’or postmoderne !

     On peut en parler, de la laïcité ! On peut dire que c’est une nouvelle forme de religion ; on la loue, comme avant on louait Dieu, on l’accepte comme un dogme ; la loi de 1905 a remplacé le concile de Nicée et autre Concile de Trente. En fait, rien n’a changé, il n’y a eu qu’un déplacement de l’Église à l’Etat, car comme l’avait remarqué très pertinemment Carl Schmitt dans Politische Theologie « Tous les concepts prégnants de la théorie moderne de l'État sont des concepts théologiques sécularisés... parce qu'ils ont été transférés de la théologie à la théorie de l'État »! Les « théomaniaques » pour parler comme Buber, sont partout- tous sont obsédés par Dieu, même les soi-disant athées, surtout eux.
     Alors que Marcel Gauchet considérait que le christianisme est la religion de la sortie de la religion, la Laïcité, elle, est la non-religion de la rentrée dans la religion.
      La loi sur la laïcité serait analogue à celles qui seraient descendues du Mont Sinaï et qui établirait entre autres : de voile tu ne porteras point, tu n’auras d’autre Dieu que la République…
     Osez adorer un autre Dieu et la terre s’ouvrira sous vos pieds.
     La laïcité est l’opium du peuple français.

     La France très catholique, fille aînée de l’église comme elle se plaît à se considérer, a eu le courage et la lucidité de comprendre que le pouvoir devait être temporel et non spirituel.
      Cette loi de 1905 est le saut qui a permis à la France de se démarquer et de s’élever au-dessus de tous les autres pays, et lui a fait rentrer dans les rangs des civilisations telles qu’Athènes ou Rome.

      MAIS ce mot « laïcité » est devenu une novlangue.
   

      Car la loi sur la laïcité a été dénaturée, travestie. Au lieu de demeurer neutre, elle s’occupe des citoyens, s’insinue dans leurs croyances, et va ainsi à l’encontre de son but originel. Elle se substitue à toutes les religions, toutes les croyances, pour devenir la première des croyances, la première des religions, plus intégriste que toutes celles qu’elle a voulu combattre, car comme Mircea Eliade le dit dans Le Sacré et le Profane : « (…) l’homme qui a opté pour une vie profane ne réussit pas à abolir le comportement religieux. L’existence même la plus désacralisée conserve encore des traces d’une valorisation religieuse du Monde. »

     La « minute de silence » n'est qu'une prière déguisée.

     La démonstration de la laïcité de la Laïcité est indémontrable comme l’énonce le  théorème d’incomplétude de Gödel.
     La Laïcité s’axiomatise de manière récursive- elle s’auto réfère.

      Rome possédait ses dieux municipaux; il en va de même pour la France ; on a en effet l'impression qu'en France, chaque branche de la société possède son Dieu qui préside aux affaires de la Cité, dans ce sens, la France est vraiment l'héritière de Rome et d'Athènes, n'oublions pas en effet que Socrate fut condamné entre autres pour impiété et blasphème... il a osé remettre en question le caractère sacré de la loi ; c'est la même chose en ce qui concerne en France le délit d'opinion où celui taxé de « révisionniste » subit non seulement les foudres des médias, mais aussi la sanction pénale.
     À propos de la Sacralité de la loi, on peut dire que la France est l'héritière du calife Abbasside Al-Mamun, qui vit un jour en songe Aristote. Le Calife demanda alors qu'est-ce qu'un homme vertueux, et l'auteur de La Politique de lui répondre: celui qui respecte la loi!

     La vérité est que la France est un hénothéisme, avec un Dieu central, la République, et des dieux inférieurs (Dieu des chrétiens, musulmans et juifs) qui gravitent autour de La divinité supérieure, tout en se réservant le droit d’en exclure si c’est son bon plaisir.
   Ainsi, ce que l’on nomme « laïcité » n’est qu’une forme de monolâtrie, avec comme doctrine la reconnaissance de plusieurs dieux, mais la vénération d’un seul.



Sabir Kadel©2010

Devoir de mémoire

     La décadence d'une société se mesure au fait que l'on nourrit plus de respect pour les morts que pour les vivants. Nous vouons un culte morbide aux prisonniers des camps de concentration (il ne faut pas salir leur mémoire en portant une analyse sur certains événements de la Seconde Guerre) alors qu'on peut casser allègrement l'islam et Mahomet, quitte à blesser dans leur foi près d'un milliard et demi d'individus! Cette schizophrénie raciste veut que l’on ne puisse pas dire un mot sur l’extermination des juifs alors que l’on peut caricaturer la religion musulmane ; nier l’holocauste crée de la souffrance chez les survivants et chez ceux qui appartiennent à ce peuple : c’est compréhensible. Dénigrer Mahomet offense les musulmans : c’est compréhensible. La solution n’est pas de tout empêcher ! au contraire, elle consiste à pouvoir tout dire, ce qui rend possible tout penser, ce qui est la seule façon d’être vraiment libre, d’être un individu à part entière.

     Le devoir de mémoire est un résidu platonicien, et donc chrétien qui établit l'existence et la prédominance d'un alter-monde (les chrétiens diront « arrière-monde ») sur le monde actuel, matériel et CONTEMPORAIN... toujours regarder en arrière éclipse la vision d'un avenir- on vit dans le passé par peur d'affronter le présent ; le passé devient la demeure de la peur, l'ultime refuge pour tous les ressentiments et toutes les frustrations ; les musulmans regardent toujours en arrière pour se vanter d'une pseudo-époque d'un islam florissant, les juifs ET LES OCCIDENTAUX vers la shoah, et les noirs vers l'esclavage. Les occidentaux tendent à oublier qui ils sont et que jamais le judaïsme en tant que tel, c’est-à-dire, en tant que religion, a joué un rôle dans son histoire. Le passé, ou l'imaginaire d'un passé en ce qui concerne les musulmans et les occidentaux, prend le pas sur le présent.

     De plus, l'histoire, de par son essence n'est pas une discipline scientifique ; elle est une construction de projections disparates individuelles, de circonstances réelles et fantasmées. Que m'importe qu'Alexandre ait véritablement tranché le nœud gordien, que Galilée ait dit « et pourtant elle tourne », que César eut prononcé « Alea jacta est » en franchissant le Rubicon; l'histoire est une IDÉE, l’histoire du monde se fond, se déverse dans l’histoire personnelle de tout un chacun, et il y a autant d'histoires qu'il y a d'individus ! Comme Wittgenstein le faisait remarquer, l’histoire ne doit être envisagée que comme un « jeu de langage » où chaque événement se voit attribué une signification précise dépendant de ceux qui assistent a posteriori à son déroulement- on voit l’histoire comme dans un rêve, et le rêveur l’interprète selon ses propres données.

Et si… HITLER n’était pas né ?...

Et si… HITLER n’était pas né


Bien entendu, à cette question, les réponses sont légions. On dira, en premier lieu, qu’il ne se serait pas produit la Shoah. On dira aussi qu’il n’y aurait pas eu de Seconde Guerre mondiale. Les plus fins diront même qu’il n’y aurait pas eu de Guerre froide puisqu’il n’aurait pas été donné aux Etats-Unis et à l’Union Soviétique de s’ériger en superpuissances.

Tout cela est vrai. Certes. Mais il y a une chose à laquelle peu de gens pensent. Sans Hitler, l’Inde serait sans doute toujours britannique, l’Algérie française et l’Indonésie néerlandaise. En d’autres mots, sans Adolf Hitler, le processus de décolonisation ne se serait pas produit ou, du moins, pas aussi rapidement.

Cette assertion est on ne peut plus politiquement incorrecte mais elle est en même temps on ne peut plus vraie, et quiconque se penchera sérieusement sur la question arrivera, inéluctablement, à la même conclusion.
Sans Hitler, pas non plus d’Etat d’Israël ! Si l’Etat sioniste existe, c’est en grande partie parce qu’ils (et pas forcément les survivants de la l’holocauste mais davantage la diaspora juive) ont exploité à fond le sentiment victimaire. Les Européens exterminent six millions de Juifs, et ce sont les Palestiniens qui doivent les accueillir. Je paierai cher pour que l’on m’explique pourquoi cela n’aurait pas été plus légitime de leur donner l’Allemagne plutôt… mais oui ! J’oubliais… la Bible dit que la terre d’Israël leur appartient !

Mais la plupart ont beau maudire Hitler comme si c’était le diable en personne (l’homme a besoin d’un épouvantail, d’un ‘ogre’ comme on en trouve dans les contes), ils ont beau le traiter de ‘fou’ (comme si la ‘monstruosité’ n’était pas une normalité ! De plus, personne n’aurait à l’idée de traiter Bush ou Milošević de fou… il semble que quand on tue en général, on est juste un salaud, mais quand on envahit des pays européens et qu’on assassine des Juifs, le crime est si horrible qu’il ne peut être que l’œuvre d’un désaxé… quoi qu’il en soit, inutile de disserter là-dessus puisque la ‘folie’ n’existe pas. La frontière entre la normalité et le pathologique est poreuse. Eh puis, la normalité, ce n’est que la ‘folie’ de la majorité !), ils lui donnent quand même une importance colossale ; en effet, ils prêtent à un seul homme le pouvoir d’avoir fait basculer tout un peuple, le peuple à l’époque le plus cultivé du monde, patrie de Kant et de Hegel.

L’Allemagne n’était-elle pas programmée pour de tels événements ? Il y a-t-il un sens inéluctable de l’histoire, comme le pensait Tolstoï ? Ou alors, est-ce les grands hommes, comme l’affirmait Carlyle, qui de part une certaine grâce et un charisme à dominer les foules, fabriquent l’histoire ? Et enfin, celle-ci est-elle amenée à se répéter ? Il y a-t-il des cycles historiques, un éternel retour des événements ? Ces questions sont trop importantes pour essayer d’y répondre ici, il suffisait de les soulever… De toute façon, les grandes questions demeurent toujours sans réponse.

L’expérience de Milgram a démontré que les gens sont plus enclins à obéir à un ordre ‘immoral’ qu’on peut bien le penser. Il suffit de les pousser un peu dans leurs retranchements pour qu’ils cèdent à la ‘tentation’. Dès que l’humain est dans une foule, sa psyché est diluée et se mélange à celle du groupe. C’est ce que Gustave Le Bon qualifiait de Psychologie des foules, auteur qu’Hitler avait lu… et semble-t-il, maitrisé.

Hitler était sans doute le plus grand orateur depuis Démosthène, mais c’est tout. Son seul génie est d’avoir été le ‘mauvais génie’ du peuple allemand.

Si on le déteste, c’est parce qu’il nous renvoie à ce qu’il y a de pire en nous. C’est parce qu’il nous ressemble.

Quand on côtoie les monstres, il faut prendre garde à ne pas se transformer soi-même en monstre.

À la question : que ce serait-il passé sans Hitler ? la réponse est : nous nous aimerions moins… car nous aurions quelqu’un en moins à détester.


ET SI... Dieu n'Existait pas ?...

Epicure nous dit que la présence ou non-présence des Dieux est insignifiante puisque ceux-ci ne s’occupent pas de nos affaires. Mais comme la nature a horreur du vide, à quoi pourraient bien servir des Dieux qui ne seraient que de simples spectateurs ?
Beaucoup de soi-disant athées ne jurent que par cet imposteur de Richard Dawkins et sa bible laïque The God delusion. En 420 pages (c’est le nombre de pages que compte mon édition anglaise), Dawkins veut réfuter cette proposition de l’un des frères Karamazov (Ivan) : si Dieu n’existe pas, alors tout est permis !
Pour l’éthologiste et biologiste britannique, une morale peut perdurer quand bien même on aurait démontré l’inexistence de Dieu. Mais le Dieu auquel s’attaque Dawkins est le Dieu à la grande barbe que l’on voit sur les peintures de la renaissance. Il est bien trop facile de combattre ce Dieu-là. Quand on se prétend véritablement athée, il faut se trouver des adversaires à sa mesure ; c’est par la férocité de ses adversaires que l’on juge de sa valeur. Alexandre refusait d’attaquer l’armée de Darius la nuit, parce qu’il ne voulait pas « voler » sa victoire sur le souverain perse.

Le Dieu auquel doit s’attaquer un véritable athée, ce n’est pas celui que représente Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine ! Non, c’est plutôt le Dieu de Platon, celui-là même qu’héritera Saint-Paul et ensuite Robespierre, avec son culte inepte de l’être Suprême, tous deux étant le digne successeur de ce pédéraste qui inventa l’Académie.
Tous ces grands personnages que l’on cite généralement comme athée, tels Voltaire, Schopenhauer, ou beaucoup de ces clowns des ‘Lumières’ sont en fait d’hypocrites obscurantistes qui n’ont pas le courage de faire table rase des axiomes moraux et d’aller jusqu’au bout de leur logique ; si vous cherchez de véritables ‘incroyants’, c’est chez Stirner, Sade, Diderot ou encore dans la filmographie du réalisateur français Bruno Dumont, dont les films nihilistes tels Flandres ou Twentynine Palms sont dérangeants puisqu’ils mettent en scène des personnages sans aucun but, qu’il faut fouiller !
Il y a religion dès qu’il y a transcendance. Dans le tableau de Raphael L’Ecole d’Athènes, on aperçoit au centre Platon et Aristote conversant, le premier pointant l’index vers le ciel, signe qu’il existe des idées universelles, le second dirigeant le doigt vers le sol signifiant ainsi qu’il n’y a que le monde d’ici bas qui existe.
Dès que l’on dit : « je t’aime », ou « ceci est beau, la ‘démocratie’ c’est bien, il faut respecter les ‘droits de l’homme’ ou encore qu’il existe des valeurs ‘universelles’, que l’on est ‘patriote’ ou qu’il faut protéger notre ‘mère la terre’ », l’on est automatiquement un croyant, mais le pire des croyants, car c’est un croyant qui ne dit pas son nom, qui s’est débarrassé du mot pour se faire chair avec le concept, un croyant qui avance masqué, comme ce pitoyable Descartes qui osait parler d’esprit géométrique mais qui s’agenouillait quand même pour prier ou encore ce pathétique Pascal, qui nous donne le calcul intégral avant Newton mais qui lors de la « nuit de feu » sent Dieu parler dans son cœur.
À quoi peut bien servir un cœur quand on a une double portion de cerveau ?
En fait, la véritable question n’est pas : et si Dieu n’existait pas ? mais bien plutôt quelles conséquences tirer de la non-existence d’une puissance supérieure et de morale transcendantale ?
LA seule conséquence logique possible est d’assumer qu’on est libre… mais c’est un bien trop lourd fardeau.
Dieu existe donc… parce que l’homme n’existe pas.

Marche doucement, car tu marches sur mes rêves !

Marche doucement, car tu marches sur mes rêves


    « On trouve des mots quand on monte à l’assaut. »[1]
Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac



    Juste avant de mener l’ultime bataille contre les Germains, le commandant des légions Felix de l’Empereur Marc Aurèle, le général Maximus Décimus Méridius, motive ainsi ses hommes : « Ce que nous faisons dans la vie résonne dans l’éternité ».

   Et avant d’accoster la plage de Troie et de reprendre la frivole Hélène au bobo troyen, Parîs, Achille dit à ses Myrmidons : « Savez-vous ce qui se trouve là-bas, ce qui vous attend au-delà de cette plage ? L’immortalité ! Prenez-là ! Elle est à vous ! »

   Nous ne sommes que de simples mortels ; notre âme est peccable, notre esprit est en proie aux doutes et notre cœur est inconstant.
   Toutefois, à en croire Nietzsche, une chose demeure constante : la volonté de puissance. Il écrit dans Ainsi parlait Zarathoustra : « Partout où j’ai trouvé du vivant, j’ai trouvé de la volonté de puissance ; et même dans la volonté de celui qui obéit, j’ai trouvé la volonté d’être maître. »

   Cette volonté de puissance ne doit pas être confondue avec une volonté de domination ou d’écraser les autres ! Elle est en revanche une volonté de croître, de ne pas demeurer à l’état embryonnaire et de, pour parler comme Kant, sortir de l’état de minorité.

Chante ô muse ! la colère du vaincu ! fils de la paresse et de l’aveuglement et par qui tant de maux furent causés à sa famille et à sa petite personne !

   Combien de destins furent brisés parce justement ils ne purent être reconnus ? C’est le sang qui fait pousser l’herbe et c’est dans le sang que se forgent les empires.

Nous voulons, nous exigeons des esprits libres.

   Ce ne sont pas les maîtres qui font les esclaves mais les esclaves qui font les maîtres.

   L’homme a un penchant pour la servitude. À un tel homme, nous lui disons : reste couché, tes nuits sont plus belles que nos jours ! Laisse le regard d’Apollon se poser sur ceux qui peuvent supporter ses mortels rayons et récolter sa gloire.

   Mais garde-toi d’avoir les étoiles plein la tête et sache bien ce qu’il en coûte de monter trop haut. Les dieux se plaisent à détruire ceux qu’ils remarquent.

   Ainsi, beaucoup préfèrent baisser la tête sous les regards des dieux.

   Oseras-tu, toi, notre frère, les regarder en face ?

Question à un million d’euros : comment, en 331 avant notre ère, dans la plaine de Gaugamèles, une armée de cinquante mille macédoniens parvient-elle à défaire une armée perse composée de près d’un demi-million d’hommes ?

   Réponse : l’AUDACE !

   Souvenons-nous de Danton : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! »

   Toutefois, prenons bien garde ne pas perdre la tête.

   C’est le stoïcien Sénèque qui faisait remarquer que nous n’osons pas les choses non pas parce qu’elles sont difficiles, mais qu’au contraire, elles sont difficiles parce que nous ne les osons pas !

   Comme dit la publicité de la Française de Jeux : « Cent pourcent des gagnants ont tenté leur chance ! ».

   Mais l’audace ne naît pas ex nihilo… On ne peut pas faire fi de la nature humaine ni du caractère de tout un chacun.
    Là, toutefois, on touche au nœud gordien du problème, qui est de savoir si nos attributs dépendent de notre nature ou alors de notre environnement.

Tout ce qui peut être imaginé peut être réalisé.

   L’esprit de l’homme est ainsi fait que tout ce qu’il conçoit sous sa caboche il peut le réaliser de ses mains. Aucun rêve, ni même le plus fou, aucun projet, ni même le plus insensé, ne lui est défendu.  

   Rappelez-vous ce dément qui, un jour, a inventé la roue !
   Souvenez-vous de cet homme (ou de cette femme) qui un beau jour s’est mis à peindre dans des grottes… il y a quarante mille ans !
   Et de cet autre qui voulu atteindre les Indes par une autre route que celle empruntée habituellement à son époque… il y a cinq cents ans !

   Des fous ? Des rêveurs ? Non ! Seulement des hommes qui ont osé !

Qu’est-ce qu’un grand homme?

   Deux théories s’affrontent. Pour Carlyle, ce sont les grands hommes qui font l’histoire. Pour Tolstoï, ce sont les conjonctures de l’histoire qui fabriquent les grands hommes.


Edgar Poe nous dit dans une de ses histoires extraordinaires que le jeu de dames témoigne davantage de l’intelligence que le jeu d’échecs ; dans le premier, selon lui, le joueur doit tout calculer alors que dans le deuxième, il existe une marge pour la créativité.

   Il a raison, si l’on accepte le postulat que l’intelligence n’est qu’une question de calcul.

   Il a tort, si l’on considère que l’intelligence, la vraie, fait aussi appel à la créativité.

   C’est pour quoi, l’homme arrive à battre le cerveau informatique aux échecs étant donner que l’ordinateur ne fait que calculer alors que l’homme, lui, élabore des stratégies.

   Aucune bataille n’a été gagnée uniquement en utilisant le calcul ; les plus grands généraux, d’Alexandre à Rommel, en passant par Hannibal, Scipion, Attila, Flavius Aetius, Bélisaire ou Napoléon ont fait montre de leur créativité dans leurs batailles et c’est cela qui leur a valu leurs victoires.

Pendant toute l’antiquité romaine, les périls que durent affronter Rome ne venait pas seulement des tribus « barbares » mais aussi, et à certaines époques surtout, intra muros.

   Quand nous nous élevons, d’autres de ce fait, descendent. C’est dans l’ordre des choses. Et il faut savoir l’accepter.

   Certains proverbes frappent juste ; « le bonheur des uns fait le malheur des autres » est un de ceux là.

   Selon la théorie malthusienne[2], alors que les ressources humaines augmentent de façon arithmétique, la population, elle croît de manière exponentielle ; la conséquence de cela peut se résumer dans la péremptoire assertion de Hobbes[3] : l’homme est un loup pour l’homme !

   C’est donc, armé de cette sombre lucidité, que tu dois avancer dans la vie.

   Considère chaque ami comme un ennemi en puissance, chaque femme comme une femme qui pourrait te tromper, chaque frère comme un faux-frère, chaque père comme un père illégitime.

   Mais… qu’entendons-nous là ? Ce sont les clameurs de la plèbe ! Les moutons bêlent : « Est-ce là la morale que vous prêchez ? »

   Nous répondons à ces ruminants : « Gardez-vous de bêler trop fort, il vous en cuirait ! Prenez soin de rester en troupeau, sans quoi vous risqueriez de vous faire tondre ! 

   « La morale, dites-vous ? Nous sommes tout disposés à laisser cette superstition aux esclaves. La morale, criez-vous ? Nous vous la laissons volontiers votre morale qui vous mènera tout droit à l’abattoir… et longtemps après que vous aurez ruminé votre morale, vous serez dans nos assiettes ! »

En Grèce présocratique, vivait un philosophe qui demeurait dans le plus parfait dévouement. Ses heures étaient dédiées à l’étude et la contemplation. Ses concitoyens nourrissaient envers lui un grand courroux, car, disaient-ils, toute sa science, toute sa Sophia ne lui servait à rien puisqu’il ne lui permettait pas de s’enrichir.

   Grand mal leur fit. Il mit en pratique tout ce qu’il avait appris sur le climat et sur les plantes et décidait de planter des légumes à un endroit où d’habitude rien ne pousse.

   La plèbe, à nouveau, se moqua de lui. Pure bêtise bêlaient-ils, ne sait-il donc pas que depuis que le monde est monde, rien n’a jamais poussé ici et que seuls les scorpions, et encore ! trouvent leur compte sur cette morte terre.

   Et pourtant, à cause d’un changement climatique que lui seul put prévoir, cette endroit se trouva, comme par enchantement, devenir fertile.

   Il fit de grands bénéfices de ces récoltes et il tint ce discours à ceux qui avait rit de lui : « Pauvres gens, si je vis dans la pauvreté, ce n’est pas parce que mon savoir ne me sert à rien, mais seulement parce que je n’ai besoin de rien. La sagesse est ma seule richesse. »

   Quand bien même nous reconnaissons à ce philosophe (dont nous tairons le nom eu égard à sa famille) une grandeur d’âme et une noblesse d’esprit sans pareille, nous n’abonderons pas totalement dans son sens.

   Nous considérons que le bonheur consiste en un peu plus que de vivre d’amour et d’eau fraiche et nous dirons à cet ivrogne de Khayyâm, qui affirmait que le bonheur consistait à tourner les pages d’un livre de poésie, en se versant du vin, la tête sur le sein d’une femme, qu’il n’a jamais eu à contracter une assurance maladie, à payer d’impôts ou à acheter de fastueux présents à une belle femme.

   Oui ! nous aimons nous enivrer de poésie, oui ! nous aimons à philosopher avec Thomas d’Aquin ou à débattre avec Cicéron… mais nous n’aimons pas que ça.

   A la lecture d’un livre de Rousseau, Voltaire lui écrivait pour lui dire qu’en lisant son livre, il avait envie de retourner dans les bois marcher à quatre pattes.

Dans le tableau L’école d’Athènes de Raphael, nous voyons au centre les deux fondateurs de la philosophie occidentale, Aristote et Platon. Tandis que le deuxième lève le doigt vers le ciel, illustrant ainsi que c’est « l’autre monde » qui doit primer, un monde suprasensible, le monde des idées (entendu dans son sens grec de Eidos), le premier dirige son index vers le sol, voulant ainsi signifier que c’est ce monde-ci qu’il faut privilégier, le monde matériel, le monde « Hic et Nunc », d’ici et maintenant.

   Contre Platon, nous prenons le parti du Stagirite.

 La pensée est stérile si elle n’est pas accompagnée d’actes. Que valent tous les discours du monde si on n’est point écouté ? Quel succès aurait rencontré Cicéron avec ses Catilinaires s’il s’était adressé à un public sourd ?

   Mais comme le faisait remarquer très justement le petit Jésus : Occulos habent et non videbunt, aures habent et non audient ! Ils ont des yeux mais ne voient pas, ils ont des oreilles mais n’entendent pas !

   Ainsi, il convient d’abord de convaincre son auditoire.

   Pour comprendre un sujet, il faut toujours se tourner vers les Grecs, et quand on se tourne vers les Grecs, il faut souvent se tourner vers Aristote.

   Aristote, dans son livre La Rhétorique nous livre le secret de l’art oratoire ; selon lui, l’orateur doit faire preuve de trois choses : le λόγος, le πάθος et l’ἔθος.

   Le Logos, en grec, veut autant dire verbe que raison ; ainsi, l’orateur doit faire user de sa raison et s’adresser à la raison de son auditoire. Il doit ensuite jouer sur les émotions (Pathos), autant celles qui l’habite que celles qui habitent son public. Enfin, il met en exergue son caractère (Ethos), caractère entendu dans son sens large, c’est-à-dire, ce qui le constitue comme homme ; de la sorte, il met en avant ses origines familiales, la classe dont il est issu, sa moralité, et il fait aussi appel à ses mêmes attributs qui se trouvent dans l’assistance.

   Si vous voulez vous faire entendre par des gens d’une classe défavorisée, mettez en avant vos origines prolétaires ! Si vous voulez capter l’attention d’une race ou d’une minorité quelconque, montrez (en rhétorique, il n’est pas nécessaire de démontrer)  que vous partagez les mêmes descendances que ceux-là dont vous demandez l’adhésion.

      Trois cents ans après le précepteur d’Alexandre, Cicéron ne nous dit pas autre chose. Pour lui, un bon discours doit comporter trois éléments : Docere, delectare, movere.

   On nous opposera que les lecteurs du présent livre ne cherchent pas forcément à soulever les masses ou à se présenter à une élection présidentielle.

   Nous leur répondrons que l’on n’enseigne pas les mathématiques à l’école uniquement à ceux destinés à devenir des Bertrand Russell ou des Albert Einstein !

   La parole n’est pas réservée uniquement à ceux qui ont à se présenter à un scrutin. La vie de tous les jours foisonnent d’occasion où l’on est amené à convaincre l’autre.

   Ainsi, on devra amadouer un patron récalcitrant pour qu’il nous accorde une promotion, à persuader le Fisc que nos revenus sont bien ceux que l’on a déclarés, ou encore, convaincre sa chère moitié que l’on n’a pas fricoté avec sa meilleure amie !

   Contrôlez les mots et vous contrôlerez votre monde.

   Qu’importe votre intime conviction, vous devez pouvoir défendre n’importe quelle cause ! Quand bien même vous seriez contre la peine de mort, vous devez pouvoir argumenter pour la position adverse.

   Comment ? nous entendons des murmures parmi nos candides lecteurs ; des murmures que nous avons peine à distingue tant ils sont le produit d’un esprit malade et ravagé par le politiquement correct. Mais nous tendons l’oreille et nous croyons entendre un reproche… ils nous traitent de « Cyniques » !

   Oui, nous le sommes… à la manière d’un Diogène qui se disait libre et heureux comme un chien…


   Et surtout, n’oubliez pas, la meilleure façon de se faire refuser quelque chose, c’est de demander la permission… alors, si vous pensez que vous méritez une chose, n’attendez pas qu’on vienne vous l’apporter sur un plateau, sans quoi c’est votre propre tête que l’on apportera, tel un Jean-Baptiste qui a eu l’outrecuidance d’outrager la sensuelle Salomé… Non ! N’allez pas non plus la mendier ! Allez la prendre, et pas la fleur au fusil !


John Ruskin disait : Les livres peuvent se diviser en deux groupes : les livres du moment et les livres de toujours.

   L’illettrisme est certes en baisse, l’écrit envahit tout notre monde, depuis les panneaux publicitaires jusqu’aux SMS que l’on envoie en passant par les messageries instantanées sur Internet, mais sait-on vraiment lire ? Et surtout, sait-on quoi lire ?


Pendant la Rome impériale, après qu’un général ait remporté de grandes batailles, il défilait alors, vêtu d'une tunique de pourpre, dans les rues de la Cité éternelle pour un triomphe. Lors de ces cérémonies, un esclave accompagnait le général victorieux tenant au-dessus de sa tête une couronne de lauriers et lui répétant ces mots : Respice post te ! Hominem te esse memento ! ce qui signifie, dans notre belle langue française : Regarde derrière toi ! Rappelle-toi que tu n’es qu’un mortel !

   Remporter du succès n’est rien. Le préserver est tout !

   En effet, n’importe qui, ou presque, s’il joue de la chance, peut devenir riche ou célèbre (rappelez-vous la prophétie de Warhol qui veut que chacun dans sa vie ait droit à quinze minutes de célébrité) ; par contre, une fois que la fortune nous eut sourit, ou alors qu’on lui a forcé à nous sourire (tel était d’ailleurs le dessein de ce livre : ne pas attendre que le succès se dépose sur nous par l’opération du Saint-Esprit mais aller le cueillir avec ses tripes) il faut savoir le défendre et le faire fructifier.

   L’histoire est riche en enseignements sur ce sujet.

   L’historien franco-britannique Hilaire Belloc disait : « Carthage n’avait pas le désir de créer mais seulement de profiter ; en conséquence, elle ne nous a rien laissé. »

   En effet, combien, à l’instar du général carthaginois, qui a campé devant Rome sans la prendre, ont échoué au seuil de l’immortalité ?

   Ceux-là sont légions qui ont su vaincre mais rien bâtir

   Est-ce dû à ce démon de la perversité, pour parler comme Poe, et qui nous habite ?

   Il y a-t-il une beauté dans l’échec ? du romantisme ?

   Le Japon de la période Edo avait un terme pour désigner une telle mélancolie : mono no aware, et qui signifie à peu près (à peu près, car traduttore traditore) : la triste beauté des choses qui passent.

   Toutefois, si on en croit Aristote, la mélancolie est le signe de l’homme de génie.



     Quand Gregor Samsa se réveilla, il se retrouva changé en cancrelat. Nous ne sommes pas Huysmans mais nous allons nous aussi vous raconter une histoire à rebours. C’est une histoire d’alchimie, ou comment on arrive à changer l’or en plomb, à retransformer le cancrelat en humain, voire en surhumain.

     Mais point de pierre philosophale dans notre histoire, seul notre caractère guide notre destin. Toutefois, on peut le faire pencher d’un côté de la balance ou de l’autre.


M. K. Sabir


[1] A ceux qui nous reprocheraient notre usage abusif 1a de citations (de nos jours, est considéré comme une tare que d’avoir de la culture), nous leur cracheront à la figure une autre citation, celle de Montaigne, qui dit : « Je dis les autres pour mieux me dire ». 1b
1a  Mais nous disons aussi : Uti et abuti ! Usez et abusez ! Car comme le fait remarquer si bien le divin marquis (Eh oui ! une autre citation dans ta gueule !) : Ce n’est que dans l’excès que se trouve le plaisir ! 1c
1b Considérez cette note en bas de page comme un exorde !
1c Pour ceux qui commenceraient déjà à nous détester, nous leur répondrons : allez-y gaiement, plus vous nous détesterez, plus notre orgasme sera jouissif, car comme le disait l’homme au gros nez, celui-là même qui moralement a ses élégances (soyons fous ! va pour une quatrième citation !) : « Déplaire est mon plaisir, j’aime qu’on me haïsse ! » 1d
1d A l’usage de ceux qui viennent tout juste de remarquer que nous avons eu l’audace de mettre des notes en bas de page à des notes en bas de page, nous leur disons, tout simplement, et avec toute la pondération qui nous caractérise : ET ALORS ?  
[2] De Thomas Malthus, qui peut être considéré comme le Schopenhauer de l’économie politique. Voir son livre Principes d'économie politique au point de vue de leur application pratique.
[3] Voir son livre Le Léviathan.