« Un peu de mon corps est passé dans mon texte. » - Montaigne



L’activité d’écrivain est pulsion de mort, et l’écrivain est un être-pour-la-mort. On se dépouille soi-même pour créer d’autres soi-même, que ce soit de la littérature de fiction ou des idées.

Toute littérature est littérature de fiction, de friction. Le lecteur se frotte à l’auteur. Ce dernier doit le démanger. C’est comme dans la tectonique des plaques ; c’est le glissement entre une plaque supérieure et une plaque inférieure qui fait dériver les continents du lecteur et de l’auteur. Et l’on reconnaît que c’est puissant, quand cela donne lieu à des éruptions volcaniques ou des raz-de-marée dans la tête du lecteur.



Certes, le lecteur préfère parfois des mers calmes pour naviguer ; cela est plus propice aux rêves. Il choisira ainsi plutôt d’embarquer à bord de l’Hispaniola avec Jim Hawkins et aller à la recherche d’un trésor bien réel en espèces sonnantes et trébuchantes au lieu de grimper sur le Pequod du capitaine Achab en quête d’une obsession métaphysique.

Quant à l’auteur que je suis, j’invite le lecteur, je le contrains même, à un voyage cauchemardesque et je lui cris : Chassons-la cette maudite baleine blanche !

Ne m’appelez pas Jim Hawkins… Appelez-moi Ishmael !



La sodomie est l’acte sublime par excellence car il vient bousculer les trois monothéismes qui ont sacralisé l’acte sexuel et en ont fait une téléologie en vue de la procréation.

La sodomie incarne la « surprise », un phénomène violent à la dérobée.

Il faut prendre le lecteur par derrière et la lui mettre bien profond.


Friday 1 April 2011

Je t’emmerde !

L'autre jour, en allant à la banque pour effectuer un retrait d'argent, la personne au guichet s'est permis de me tutoyer!
Je crus d'abord que sa langue avait flanché, mettant cela sur sa mauvaise maîtrise du français, mais elle persistait dans ce tutoiement plébéien à la soviétique!
Une fois qu'elle m'avait remis mes billets, je lui fis la remarque; et elle eut l'outrecuidance de me répondre: « Mais c'est parce que notre banque (dont je tairais le nom, mais qui est constitué de quatre sigles, le premier renvoyant à une ville en Asie) se veut amicale avec les clients! »

Il va de soi que si j'y étais allé en costard cravate, elle m'aurait donné du « vous » et du « monsieur »! Mais à Maurice, sévit dans les sphères bureaucratiques une discrimination envers certaines classes sociales. On se permet de prendre de haut des personnes que l'on considère inférieures à soi, soit en raison de leur position, de la langue qu'elles parlent ou à cause de leur manière de se vêtir, tout en attendant de cette même personne qu'elle vous considère avec diligence et respect!

Et ce genre de personnes, qui osent péter plus haut que leurs culs, doit être remis à sa place.
Mais peu de Mauriciens osent bousculer l'ordre établi; ils préfèrent se complaire dans une certaine hiérarchie, par peur du qu'en dira-t-on... et sans doute, aussi, se considérant eux-mêmes comme inférieurs à leurs interlocuteurs.

Considéré sous l'ancien régime comme grossier, le tutoiement fut rendu obligatoire par un décret des révolutionnaires afin d'encourager une pratique égalitaire, illustrant le lien universel entre tous les êtres.

Mais, non seulement l'égalité est-elle une superstition, voire une supercherie, mais en plus, le but premier qui était de combattre la discrimination a complètement était dénaturé!
En effet, le vouvoiement demeurant, le tutoiement est, au contraire, devenu un moyen de rabaisser l'interlocuteur.
Si le vouvoiement n'avait plus cours, alors, oui, le tutoiement universel serait un outil de nivellement (quand bien même tout nivellement est synonyme de société totalitaire); toutefois, aujourd'hui, le « tu » est utilisé dans certaines professions, notamment dans la fonction publique, afin d'inférioriser l'autre, tel que pratiqué par exemple par les policiers ou toute autre personne occupant une position de pouvoir.

De plus, la distinction « Tu-Vous » permet de promouvoir une certaine intimité et de mettre une distance avec les autres. Une telle distinction encourage donc le locuteur à faire un choix, non seulement linguistique, mais aussi sentimental.
Ainsi, elle est synonyme de liberté!

Alors, lecteurs, vous qui êtes avides de justice, vous qui êtes révoltés par le comportement néo-colonialiste de tous ceux qui vous prennent de haut, n'hésitez pas, n'hésitez plus! Dès que l'on vous tutoiera, répondez: « Je t'emmerde »...

Pardon! Je voulais dire: « Je VOUS emmerde! »


MK Sabir

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