« Un peu de mon corps est passé dans mon texte. » - Montaigne



L’activité d’écrivain est pulsion de mort, et l’écrivain est un être-pour-la-mort. On se dépouille soi-même pour créer d’autres soi-même, que ce soit de la littérature de fiction ou des idées.

Toute littérature est littérature de fiction, de friction. Le lecteur se frotte à l’auteur. Ce dernier doit le démanger. C’est comme dans la tectonique des plaques ; c’est le glissement entre une plaque supérieure et une plaque inférieure qui fait dériver les continents du lecteur et de l’auteur. Et l’on reconnaît que c’est puissant, quand cela donne lieu à des éruptions volcaniques ou des raz-de-marée dans la tête du lecteur.



Certes, le lecteur préfère parfois des mers calmes pour naviguer ; cela est plus propice aux rêves. Il choisira ainsi plutôt d’embarquer à bord de l’Hispaniola avec Jim Hawkins et aller à la recherche d’un trésor bien réel en espèces sonnantes et trébuchantes au lieu de grimper sur le Pequod du capitaine Achab en quête d’une obsession métaphysique.

Quant à l’auteur que je suis, j’invite le lecteur, je le contrains même, à un voyage cauchemardesque et je lui cris : Chassons-la cette maudite baleine blanche !

Ne m’appelez pas Jim Hawkins… Appelez-moi Ishmael !



La sodomie est l’acte sublime par excellence car il vient bousculer les trois monothéismes qui ont sacralisé l’acte sexuel et en ont fait une téléologie en vue de la procréation.

La sodomie incarne la « surprise », un phénomène violent à la dérobée.

Il faut prendre le lecteur par derrière et la lui mettre bien profond.


Friday 1 April 2011

When Harry met Sally

Depuis la première fois que j’ai vu le film de Rob Reiner, à chaque fois que je me rends dans un restaurant, je me demande si la fille à l’autre table est sur le point d’avoir un orgasme !

Un film ne passe pas toujours à la postérité pour son contenu profond, pour son jeu d’acteur réaliste mais le plus souvent parce qu’il contient des scènes cultes. Pensons, par exemple, la scène dans Reservoir Dogs, où Mr. Blonde, le personnage interprété par Michael Madsen, coupe l’oreille du policier qu’il a capturé en écoutant « stuck in the middle with you » et veut ensuite lui mettre le feu.
Rappelons-nous aussi la scène finale de Rencontre du troisième type quand l’équipe scientifique jouent un motif musical de cinq hauteurs en mode majeur afin d’essayer de communiquer avec les extraterrestres.
Souvenons-nous enfin de ce chef-d’œuvre de Mel Gibson (mais qui foisonne toutefois d’anachronismes), Apocalypto, où les captifs sont donnés en sacrifice au peuple maya.

Cette comédie avec Billy Crystal et Meg Ryan, contient aussi un dialogue culte, où Harry Burns (Crystal) développe sa théorie selon laquelle il ne peut y avoir d’amitié entre hommes et femmes parce que l’attraction sexuelle fera tôt ou tard son apparition… à moins bien entendu que la femme soit un boudin et que le mec ressemble à un tableau de Picasso.

J’ai souvent exposé cette théorie aux femmes que j’ai rencontré mais rares sont celles qui ont été enclines à l’accepter, tant elles étaient corrompues par le politiquement correcte et la moraline !

Comme souvent, ce n’est pas tant l’histoire qui compte, mais la narration, c’est-à-dire la manière de raconter l’histoire et l’approche qu’adoptent les personnages par rapport aux événements auxquels ils sont confrontés. Dans le film de Reiner (notons que celui-ci a été « victime » d’une caricature dans South Park qui était autant assassine qu’elle était jouissive) un homme (Harry) qui aspire à devenir politicien rencontre de manière récurrente, au fil du hasard (mais le film laisse suggérer plutôt une sorte de destinée comme, si on ose se permettre une telle comparaison, l’on peut en trouver chez Kundera) une femme (Sally), qui elle veut devenir journaliste. Au fil des années, une amitié profonde se développe entre eux deux… jusqu’au jour où ils finissent par coucher ensemble.

Comme chez Woody Allen, la ville de New-York est un personnage en lui-même. Une ville aux liens distendus entre les individus mais, où en même temps, chacun aspire à se rapprocher de l’autre… vainement.

Ce film aurait pu être une comédie sentimentale parmi bien d’autres. Ce qui le range parmi les classiques du genre, c’est le jeu des acteurs et la précision des dialogues qui font souvent mouche.

À noter, que le titre en anglais se conjugue au passé (« met ») alors qu’en français ils se « rencontrent ». De là à y voir une allusion bergsonienne de l’entremêlement temporel serait peut-être exagéré.

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