« Un peu de mon corps est passé dans mon texte. » - Montaigne



L’activité d’écrivain est pulsion de mort, et l’écrivain est un être-pour-la-mort. On se dépouille soi-même pour créer d’autres soi-même, que ce soit de la littérature de fiction ou des idées.

Toute littérature est littérature de fiction, de friction. Le lecteur se frotte à l’auteur. Ce dernier doit le démanger. C’est comme dans la tectonique des plaques ; c’est le glissement entre une plaque supérieure et une plaque inférieure qui fait dériver les continents du lecteur et de l’auteur. Et l’on reconnaît que c’est puissant, quand cela donne lieu à des éruptions volcaniques ou des raz-de-marée dans la tête du lecteur.



Certes, le lecteur préfère parfois des mers calmes pour naviguer ; cela est plus propice aux rêves. Il choisira ainsi plutôt d’embarquer à bord de l’Hispaniola avec Jim Hawkins et aller à la recherche d’un trésor bien réel en espèces sonnantes et trébuchantes au lieu de grimper sur le Pequod du capitaine Achab en quête d’une obsession métaphysique.

Quant à l’auteur que je suis, j’invite le lecteur, je le contrains même, à un voyage cauchemardesque et je lui cris : Chassons-la cette maudite baleine blanche !

Ne m’appelez pas Jim Hawkins… Appelez-moi Ishmael !



La sodomie est l’acte sublime par excellence car il vient bousculer les trois monothéismes qui ont sacralisé l’acte sexuel et en ont fait une téléologie en vue de la procréation.

La sodomie incarne la « surprise », un phénomène violent à la dérobée.

Il faut prendre le lecteur par derrière et la lui mettre bien profond.


Friday 1 April 2011

On ne refait pas l’histoire !

Les Européens ont conquis l’Amérique et procédé au génocide des peuples qui s’y trouvaient.
On sait aujourd’hui que tout cela n’était pas très « chrétien » !
Les Européens, toujours eux, ont conquis l’Australie et procédé au génocide du peuple qui s’y trouvait.
On sait aussi, aujourd’hui, que tout cela n’était pas très « chrétien » !

Les Juifs (fallait quand même en parler !) ont conquis la Palestine après la Seconde Guerre et procédé soit à l’apartheid, soit à l’expulsion du peuple qui s’y trouvait.
On sait aujourd’hui (mais tout le monde le sait-il vraiment ?) que tout cela n’était pas très…

Comment remédier aux erreurs (si l’on veut être morale) ou aux aléas (si on ose l’amoralité) de l’histoire ?
 
C’était le douloureux problème auquel est soumis le gouvernement britannique vis-à-vis de la question des Chagos et du sort qui doit être réservé à sa population qui, manu militari, au nom de la Realpolitik, s’est vu forcer, en 1971, par le gouvernement britannique, de s’exiler soit aux Seychelles, soit à Maurice.

Certains, à l’instar de Gillian Merron, plaident pour le retour des Chagossiens à leur terre natale. D’autres, et ils sont les plus nombreux, avancent l’argument néo-colonialiste qui veut que l’on ne « refasse » pas l’histoire.

En effet, pour les Britanniques, les Chagos constituent leur pré carré, au sein du « territoire britannique de l’Océan Indien » ; cette dernière appellation constitue un véritable anachronisme !
Non content d’avoir bradé l’île de Diego Garcia aux américains afin de pouvoir leur acheter au rabais des missiles Polaris, ils prennent aussi en otage toute une population pour des raisons géostratégiques !

Ont-ils donc oublié le principe d’autodétermination qui se trouve au sein de la Charte des Nations Unies de 1945?  Que font-ils donc du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?
Ont-ils oublié que l’Angleterre elle-même fut occupée par les Romains (relisez Cœur des ténèbres de Conrad) et qu’ils ont sué sang et eau pour empêcher une possible invasion de Napoléon ?

Mais la mémoire des peuples, comme celle des individus, est sélective. Et la mémoire est bien la seule chose, et la dernière, qui reste aux Chagossiens qui doivent se contenter de fleurir des tombes. 18 d’entre eux étaient partis rendre hommage à leurs aïeux enterrés sur l’île. Et ils s’en retournent aujourd’hui avec les fantômes de leurs rêves meurtris.

Si seulement, à Waterloo, Grouchy n’avait pas bouffé de ces foutues fraises !

Mais on ne refait pas l’histoire.


MK Sabir

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