« Un peu de mon corps est passé dans mon texte. » - Montaigne



L’activité d’écrivain est pulsion de mort, et l’écrivain est un être-pour-la-mort. On se dépouille soi-même pour créer d’autres soi-même, que ce soit de la littérature de fiction ou des idées.

Toute littérature est littérature de fiction, de friction. Le lecteur se frotte à l’auteur. Ce dernier doit le démanger. C’est comme dans la tectonique des plaques ; c’est le glissement entre une plaque supérieure et une plaque inférieure qui fait dériver les continents du lecteur et de l’auteur. Et l’on reconnaît que c’est puissant, quand cela donne lieu à des éruptions volcaniques ou des raz-de-marée dans la tête du lecteur.



Certes, le lecteur préfère parfois des mers calmes pour naviguer ; cela est plus propice aux rêves. Il choisira ainsi plutôt d’embarquer à bord de l’Hispaniola avec Jim Hawkins et aller à la recherche d’un trésor bien réel en espèces sonnantes et trébuchantes au lieu de grimper sur le Pequod du capitaine Achab en quête d’une obsession métaphysique.

Quant à l’auteur que je suis, j’invite le lecteur, je le contrains même, à un voyage cauchemardesque et je lui cris : Chassons-la cette maudite baleine blanche !

Ne m’appelez pas Jim Hawkins… Appelez-moi Ishmael !



La sodomie est l’acte sublime par excellence car il vient bousculer les trois monothéismes qui ont sacralisé l’acte sexuel et en ont fait une téléologie en vue de la procréation.

La sodomie incarne la « surprise », un phénomène violent à la dérobée.

Il faut prendre le lecteur par derrière et la lui mettre bien profond.


Friday 1 April 2011

L’Exorciste, de William Friedkin

Il est plus excitant de regarder des pornos amateurs que des films érotiques réalisés par des professionnels ! Où est-ce que je veux en venir, devez-vous vous demander, puisque je suis censé parlé de films d’horreur et non de cul ?
Eh bien ! c’est tout simple, ce qui est proche de nous nous affecte plus ! C’est presque une lapalissade que de le dire.
Dans des films érotiques amateurs, on se dit que ça peut être notre voisine, ou la collègue du bureau, ce qui emballe davantage l’imagination puisqu’il nous serait peu accessible d’approcher une véritable star de l’industrie du X. Et puis, les maladresses du film amateur nous renvoient aux nôtres propres. La maison dans laquelle le tournage se déroule pourrait être notre maison, et ainsi de suite.
Bref, il y un phénomène d’identification qui se produit, ou, pour parler en langage aristotélicien, de mimesis.

C’est ce qui se passe dans le film de William Friedkin. Ça fait peur parce que ça pourrait nous arriver !

Le succès du film est dû à sa « proximité ». Il ne s’agit pas d’un monstre dans un vaisseau spatial, ni d’un gars avec une tronçonneuse ou encore d’un mutant venu d’une autre planète. Le film parle d’une jeune fille normale, dans une famille normale, dans des situations normales… à qui il arrive des choses paranormales.

Et on flippe davantage quand on sait que le film s’inspire d’une histoire vraie !

Déjà, le film s’ouvre sur une scène en Irak, et la première chose que l’on entend, c’est l’appel à la prière du muezzin. Ainsi, nous rencontrons une première religion, l’Islam. Le père Merrin (interprété par le magnifique Max Von Sydow, qui avait déjà touché au paranormal avec Le Septième sceau d’Ingmar Bergman) fait des fouilles sur le site archéologique de Hatra, près de Ninive. Il y découvre la statue d’une ancienne divinité assyrienne, Pazuzu. La deuxième religion à laquelle nous faisons face est la religion babylonienne. Au même moment, le père Karras, à Washington D.C. doute de sa foi. Et c’est au tour du catholicisme de faire son apparition.

Ce que le réalisateur veut nous faire comprendre par cette introduction, c’est que le mal est intemporel et universel, qu’il traverse toutes les religions, tous les lieux et toutes les époques.

Le film résiste au passage des années. Plusieurs générations font les mêmes cauchemars après avoir visionné le film.

Le film ne contient aucun « message », ce qui est le propre d’un grand film. Il produit des effets sur le spectateur, il le bouscule et l’interroge.

Souvent imité, mais toujours inimitable, ce chef-d’œuvre du réalisateur de French Connection est à voir et à revoir… pour la simple et bonne raison qu’il remplit sa fonction de film d’horreur : IL FAIT PEUR !

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