« Un peu de mon corps est passé dans mon texte. » - Montaigne



L’activité d’écrivain est pulsion de mort, et l’écrivain est un être-pour-la-mort. On se dépouille soi-même pour créer d’autres soi-même, que ce soit de la littérature de fiction ou des idées.

Toute littérature est littérature de fiction, de friction. Le lecteur se frotte à l’auteur. Ce dernier doit le démanger. C’est comme dans la tectonique des plaques ; c’est le glissement entre une plaque supérieure et une plaque inférieure qui fait dériver les continents du lecteur et de l’auteur. Et l’on reconnaît que c’est puissant, quand cela donne lieu à des éruptions volcaniques ou des raz-de-marée dans la tête du lecteur.



Certes, le lecteur préfère parfois des mers calmes pour naviguer ; cela est plus propice aux rêves. Il choisira ainsi plutôt d’embarquer à bord de l’Hispaniola avec Jim Hawkins et aller à la recherche d’un trésor bien réel en espèces sonnantes et trébuchantes au lieu de grimper sur le Pequod du capitaine Achab en quête d’une obsession métaphysique.

Quant à l’auteur que je suis, j’invite le lecteur, je le contrains même, à un voyage cauchemardesque et je lui cris : Chassons-la cette maudite baleine blanche !

Ne m’appelez pas Jim Hawkins… Appelez-moi Ishmael !



La sodomie est l’acte sublime par excellence car il vient bousculer les trois monothéismes qui ont sacralisé l’acte sexuel et en ont fait une téléologie en vue de la procréation.

La sodomie incarne la « surprise », un phénomène violent à la dérobée.

Il faut prendre le lecteur par derrière et la lui mettre bien profond.


Thursday, 24 March 2011

Jim Morrison

   Si Dieu était un chanteur, il aurait la voix de James Douglas Morrison.

   À chaque fois que je vais au Père Lachaise, je me fais un devoir de me recueillir sur sa tombe. Quand bien même le célèbre cimetière abrite parmi les plus grands esprits de ces cinq derniers siècles, c’est la tombe du chanteur de l’éternel This is the End qui est la plus fleurie et qui fait l’objet de la plus grande dévotion.

   Ma première rencontre avec son texte et avec sa voix se fit à travers l’inoubliable chef-d’œuvre de Coppola : Apocalypse Now. Qui ne se souvient pas de la scène d’ouverture avec le son des rotors de l’hélicoptère qui épouse parfaitement la guitare de Robby Krieger, Martin Sheen allongé sur le lit d’un hôtel miteux, son pistolet sur la table de chevet et puis soudain, ces paroles : « This is the end… my only friend… the end ! » ?

   Ensuite, je le rencontrai à nouveau dans un autre film, Lost Boys, de Joel Schumacher, qui est bercé tout le long par People are strange. Le réalisateur fait même un clin d’œil au chanteur en accrochant son affiche dans l’antre de cette « génération perdue ».

   Enfin, il eut le biopic d’Oliver Stone, sobrement intitulé The Doors et l’interprétation d’un Val Kilmer plus vrai que nature dans le rôle de Morrison.

      Il eut l’idée du titre de son groupe en lisant Aldous Huxley : The Doors of Perception ; l’écrivain britannique lui-même fut inspiré par William Blake et son recueil The Marriage of Heaven and Hell.

   Jim Morrison peut être considéré comme le Rimbaud de la chanson. En effet, tout comme l’auteur du Bateau ivre, il atteint les sommets de son art jeune, et puis, soudainement, comme si le génie avait horreur de la durée, il décide de tout abandonner. Comme Rimbaud, il traverse les eaux pour explorer d’autres contrées. Comme lui, il a assis la beauté sur ses genoux et l’a trouvée amère ! Mais si l’homme aux semelles de vent eut suffisamment de temps pour s’inventer une nouvelle vie, Morrison, lui n’eut pas cette chance… ou plutôt cette malchance !

   En 1971, après avoir pris de l’embonpoint, il quitta le pays qui l’avait tant encensé et qui en même temps l’avait temps mécompris, pour se rendre en France où il avait décidé de « juste » écrire des poèmes. Mais un soir, on le retrouva mort dans sa baignoire. Et comme pour faire un dernier pied de nez aux Etats-Unis, il s’éteint la veille de la fête d’indépendance, le 3 juillet. On a conclut à une overdose. Le dernier des romantiques s’en est allé.

      Mais son fantôme est toujours présent. Certains prétendent même qu’il serait encore en vie, et à chaque fois qu’à Paris, au détour d’une ruelle, je croise un vieil homme d’une soixantaine d’années, assis sur un banc, gribouillant sur un carnet, je me plais à rêver que j’ai peut-être en face de moi l’homme qui a chanté, de sa voix de baryton : « Ride the snake, ride the snake/ To the lake, the ancient lake, baby/ The snake is long, seven miles/ Ride the snake...he's old, and his skin is cold »…
    

L’Iliade

Chante ô muse ! la grandeur du style et la noblesse de l’âme des personnages homériques !

L’Iliade est à la littérature ce que les pyramides d’Egypte sont aux monuments, un chef-d’œuvre encore aujourd’hui inégalé. Et tout comme il subsiste un doute sur la manière dont les anciens égyptiens ont bâti les grandes pyramides, aujourd’hui encore, les spécialistes se disputent sur la paternité de l’Iliade et de l’Odyssée (qui sera traité sous cette rubrique une prochaine fois). Mais comme pour les pièces shakespeariennes où l’on se demande s’il faut les attribuer vraiment au fondateur du Globe Theater, on peut dire pour le diptyque homérique : ce n’est peut-être pas Homère qui les a écrits, mais c’est un gars que l’on a appelé Homère.
Mais qu’importe si c’est bien l’aède aveugle qui a pondu ces deux chefs-d’œuvre immortels,  le fait est qu’ils sont là.

Homère ne remonte pas ab ovo à l’enlèvement d’Hélène de Troie pour commencer son Iliade. Il débute l’histoire in media res, c’est-à-dire au milieu de l’action, avec la colère d’Achille, fils du roi Pelée et de la nymphe Thétis, contre Agamemnon qui lui a dérobé sa prise de guerre, la jeune captive et prêtresse d’Apollon, Briséis.

Les vingt-quatre chants que constitue l’Iliade représentent un macrocosme de toutes les passions qui peuvent se consumer dans le cœur des hommes. Les Dieux font preuve de bassesse alors que les hommes sont capables de grandeur et de s’élever, comme dans les opéras wagnériens, à la hauteur de surhommes qui rivalisent ainsi avec les immortels Dieux.

L’Iliade, c’est d’abord une histoire d’amitié et de fraternité. Fraternité entre Paris et Hector, d’amitié entre Achille et Patrocle, son meilleur ami… et amant ; car ne l’oublions pas, on parle d’une époque où le véritable amour n’est possible qu’entre hommes. Son compagnon d’arme est aussi celui avec lequel on partage sa couche, ce qui rend la solidarité au combat encore plus forte.
Ainsi, l’Iliade nous parle de ce que les Allemands appellent la mannen Freundschaft, l’amitié virile. Alexandre perpétuera cette tradition très grecque avec son amitié et amour pour son bel Héphaestion après la mort duquel il coupa ses boucles comme le fit le roi des Myrmidons après que Patrocle soit tué par Hector !

L’Iliade, c’est ensuite une écriture poétique hors du commun, à la fois simple et empreinte d’un souffle lyrique incroyable : « L’impétueux Achille est toujours sur les traces d’Hector. Tel, au fond des bois, un chien presse le faon timide, qu’ont alarmé ses cris » (Chant 22).

L’Iliade, enfin, c’est le Crépuscule des Dieux wagnérien. Achille, c’est Siegfried. Le point faible de l’homme « aux pieds rapides » c’est son talon que sa mère tenait quand elle l’a trempé dans le Styx, et Siegfried c’est son épaule qu’une feuille recouvrit au moment où il se baignait avec le sang du dragon Faffner pour se rendre invincible. Dans l’Iliade comme dans la tétralogie de l’anneau, les hommes désirent l’immortalité et les Dieux aspirent à vivre des passions proprement humaines. Les hommes doivent sacrifier leur bonheur pour aspirer à l’éternité et les Dieux renoncer à l’éternité pour un instant d’amour.

Achille fait un choix, vivre comme un simple mortel, vivre longtemps, mais une vie sans gloire. Ou mourir jeune, mais en laissant son nom dans l’histoire. Nous connaissons sa décision. Homère nous montre un homme dans toute sa grandeur… un homme, comme écrivit Shakespeare dans Jules César à propos de Brutus, devant lequel la nature elle-même se dresse pour dire : c’est un homme !

Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Quand nous lisons la ‘suite’, L’Odyssée, Homère nous donne à voir un autre Achille, pathétique, et qui dit à Ulysse une fois dans l’Hadès : « J'aimerais mieux être sur terre domestique d'un paysan/ Fût-il sans patrimoine et presque sans ressources/ Que de régner ici parmi ces ombres consumées... »

Rimbaud aura les mêmes regrets de ne pas simplement avoir vécu comme un simple homme en déclarant : je regrette de ne pas m’être marié !

Difficile en effet, d’être plus qu’un homme.

KAFKA

TRAGIQUE ! c’est ainsi que l’on peut résumer la vie de Franz Kafka !

Kafka s’est rebellé contre tout ce qui constituait son identité.

D’abord, contre sa langue. Il n’y a pas de plus grande violence et d’acte plus rebelle que d’écrire contre la langue du pays dans lequel l’on vit. Et c’est ce qu’a fait Kafka. Vivant à Prague, dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie, il décida d’écrire en allemand !

Après, contre son père. Ce dernier avait refusé que le jeune Franz n’épouse Julie Wohryzeck. Dans la Lettre au père, Kafka le décrivait comme un être autoritaire et qui se plaisait à lui faire constamment des reproches. Cette figure du père qui sera à l’origine de sa métamorphose.

Ensuite, contre la société. La société qui lui fait un procès, cette société qu’il décide de quitter pour traverser l’Atlantique et se réfugier en Amérique. Une société bureaucratisée et dépersonnalisé qui annonce l’avènement du capitalisme et, dans une certaine mesure, du totalitarisme.

Enfin, contre la littérature elle-même. Il donna en effet instruction à Max Brod, son exécuteur testamentaire, de détruire tous ses manuscrits après sa mort. Il n’a voulu rien laisser, il a voulu passer à travers la vie comme ces baisers que l’on écrit dans une lettre et qui ne parviennent jamais à destination car ils sont mangés en route par des fantômes.

Mais qui était Kafka ? Il est plus facile sans doute de répondre à la question : qui n’était pas Kafka ? C’était un tchèque qui ne l’était pas. C’était un Juif qui ne l’était pas (sauf de culture, lui qui était autant fasciné par la Kabbale). C’était surtout un écrivain qui ne l’était pas ! Assertion étonnante en effet vis-à-vis d’un homme qui a donné parmi ses plus belles pages à la littérature du vingtième siècle… être écrivain c’est envisager son travail comme un art, c’est s’imaginer que l’on sera lu, et c’est enfin désirer survivre à sa mort par ses écrits. Kafka, lui, a d’abord conçu l’écriture comme une échappatoire de sa vie de juriste, une échappatoire de sa vie de fils, une échappatoire de sa vie de citoyen. En somme, une échappatoire au « vide »… et c’est là que l’on voit poindre l’influence de la mystique juive, elle qui parle de  Tikkoun olam, de réparation d’une injustice de la société, une vaine tentative de s’échapper du chaos.

Mais le gouffre possède son magnétisme. Il a voulu y retourner. Le gouffre représentait un infini qui l’appelait. Il avait regardé au fond des abymes. Les abymes aussi s’étaient mis à regarder au fond de lui.

Il y avait du Rimbaud en lui. Les deux ont voulu fuir leurs œuvres. Mais le jeune Arthur avait des semelles de vent, le jeune Franz, lui, des semelles de plomb.

Après Kafka, c’est le nazisme, le communisme, l’économie de marché, les droits de l’homme que l’on exporte à coups de canon ! Kafka était un Moïse qui préféra regarder la « terre promise » du progrès de loin, sans jamais la fouler.

Pourquoi lire Kafka ? Parce qu’il a écrit des livres qui, pour emprunter ses propres mots, « nous réveille d'un coup de poing sur le crâne » !


MKSabir

Et si… Gengis Khan n’était pas mort en 1227 ?

Et si… Gengis Khan n’était pas mort en 1227 ?


C’est l’histoire d’un jeune garçon qui avait peur des chiens… et qui allait devenir le plus grand conquérant de l’histoire de l’humanité.

Certains protesteront et diront que je passe un peu vite aux oubliettes des noms comme Alexandre le Grand, Jules César, Napoléon ou bien même Hitler. Je répondrai que leurs protestations émanent en fait d’un eurocentrisme proche du racisme. Ils considèrent en effet que les seuls chefs militaires qui comptent sont des occidentaux et que les autres ne sont que de vulgaires seigneurs de la guerre, brutaux et sanguinaires, et qui ne méritent pas de figurer dans les livres de l’histoire sous prétexte que les territoires qu’ils ont conquis étaient peuplés de sauvages incultes.

Sauf que ces sauvages incultes, au moment où l’Europe était plongé dans un moyen-âge culturel et bâtissait de vulgaires petits hameaux, l’Empire Aztèque érigeait une cité abritant 500,000 âmes, et qu’un certain Temujin, dont l’histoire se rappellera sous le nom de Gengis Khan est sur le point de conquérir le plus vaste étendu de territoires que l’histoire ait connu.

Il nait en 1127, près du lac Baïkal en Russie et à l’âge de 13 ans succède à son père comme chef de sa tribu.

Celui qui parvint à percer la grande muraille de Chine comme un couteau dans du beurre devint en 1206 maître de toute la Mongolie après avoir réussi à unir des peuplades qui depuis des centaines d’années se faisaient la guerre. Il reçoit ainsi le nom de Gengis Khan qui signifie en langue tatare précieux Dieu de la guerre.

Gengis Khan fut, à coté du génie stratège que l’on connaît, aussi un grand réformateur. Il peut être rapproché de Napoléon au sens où lui aussi a donné à son peuple un système législatif complexe (Yassa); ce faisant il le sort de l’état de nature, comme dirait cet empafé de Rousseau, pour pénétrer la civilisation.
Plutôt paradoxale pour un ‘barbare’ !

Le Khagan, c’est aussi la grandeur d’âme… celle en tout cas que l’on peut prêter à un chef militaire. Après que son frère juré l’ait trahi et que celui-ci se sauve après que Gengis Khan eut remporté sur lui la bataille finale, il est capturé par ses propres hommes et apporté devant le chef mongole. Celui-ci, au lieu de se venger, décide plutôt de ‘remercier’ ceux qui le livrèrent en les faisant exécuter, et il propose à Djamuqa d’oublier les rancunes du passé et de combattre à ses côtés.
Cet épisode n’est pas sans rappeler deux autres dans l’histoire des grandes confrontations militaires : Alexandre qui donnent les honneurs à la dépouille de son ennemi perse, le roi Darius III et décident l’exécution des propres hommes du souverain perse qui l’avait trahi et assassiné, et Saladin qui lors d’une bataille contre Richard Cœur de lion, voyant celui-ci se faire désarçonner par son cheval, au lieu de profiter de l’occasion pour en finir complètement avec lui, ordonne à un des ses hommes de lui donner un nouveau cheval afin qu’il puisse continuer de combattre.

Au moment de sa mort, Gengis Khan avait conquis la presque totalité de l’Asie et prévoyait d’étendre ses conquêtes à l’ouest, vers l’Europe. On voit mal l’Occident résister aux hordes mongoles qui, grâce à la technique de pouvoir tirer à l’arc en montant à cheval ont pu venir à bout de tous leurs ennemis.
Ainsi, sans une malheureuse chute de cheval, nous parlerions sans doute aujourd’hui, non une langue européenne, mais une langue mongole, et ce ne sont pas les religions du désert que la majorité du monde suivrait mais plutôt une sorte de chamanisme.

Gengis Khan n’était pas un tyran sanguinaire ; il ne faut pas tomber dans le piège d’analyser les événements passés à l’aune de nos valeurs modernes. Sans quoi, nous n’étudierions plus Aristote, qui était pour l’esclavage ou Heidegger, qui était antisémite.

Les valeurs, les religions, la morale, tout passe.

Seuls certains noms survivent à l’histoire. Gengis Khan est de ceux-là.


MKSabir

Et si… Attila n’était pas mort comme un con le soir des ses noces?

Et si… Attila n’était pas mort comme un con le soir des ses noces?

Il fut une époque où le monde était divisé en deux : les Huns et les autres !

Certains noms dans l’histoire inspirent aussi la crainte et la terreur. Attila est un tel nom… surtout quand on le fait suivre de « fléau de Dieu » !

Le pape Léon 1er qui, selon la légende aurait persuadé le roi des Huns de ne plus ravager l’Italie (nul ne sait exactement ce qu’ils se seraient dit) compara l’occupation hunnique de 452 à un flagellum dei, un fouet de Dieu. Le terme « fléau de Dieu », lui, ne date que du 19ème siècle.
Comme souvent dans des traditions religieux, traditions ayant pour but d’effrayer les croyants et les ramener vers le droit chemin, on compare un conquérant à l’Antéchrist qui viendrait punir les croyants pour s’être éloignés de la foi originel. Déjà, le souverain babylonien Nabuchodonosor II, qui écrasa en 507 avant Jésus-Christ le royaume juif de Juda, était déjà qualifié de « verge de la colère de Dieu » par le prophète Esaïe.

Les grands conquérants, en un point, ressemblent aux communs des mortels : ils ont des problèmes de familles. Mais à la différence de la pratique d’aujourd’hui où l’on va consulter un psy, eux, règlent leurs différents familiaux dans le sang. Romulus assassine Remus. Néron fait exécuter sa mère Agrippine. Et Attila tue son frère Bleda.

Selon les critères moraux d’aujourd’hui, et selon les hypocrites Conventions de Genève (hypocrites, car l’essence de la guerre est justement l’abolition de toutes conventions ; la notion de « droit de la guerre » est un oxymore), Attila était un tyran sanguinaire. Mais il n’a pas fait pire que tous les autres conquérants, et ce, jusqu’à nos jours. De plus, l’image de barbare que nous avons de lui est erronée. Il était avide de connaissance et avait pour la culture romaine une réelle fascination. Aussi, dans des pays tels la Hongrie ou la Turquie, c’est l’image du héros que l’on retient et non du sauvage. Enfin, dans le Nibelungenlied, le poème épique allemand datant du 12ème siècle, il est représenté sous les traits de souverain sage et noble, Etzel !

Attila naît en en 406 et devient empereur des Huns à la mort de son oncle, le roi Ruga. À partir de là, et surtout après la disparition de son frère, il étendra jettera ses dévolues à l’ouest… mais tout en ayant dans le rétroviseur (oui ! c’est pas les anachronismes qui nous étouffent) l’empire byzantin ! Un des épisodes les plus rocambolesques c’est quand la co-impératrice d’Occident, Honoria, veut épouser Attila. Le frère de celle-ci s’y refuse et l’envoie au couvent à Constantinople. Mais la damoiselle n’ayant pas froid aux yeux envoie sa bague à Attila lui promettant que s’il vient la délivrer elle lui cèdera une partie de son empire. Donc, comme Hélène fut à l’origine de la guerre de Troie, c’est une femme qui déclenche la guerre entre les Huns et l’empire romain d’Occident. Nous sommes en 450. Nous sommes à un an des fameux Champs catalauniques !

Cette bataille oppose Attila, dont l’armée compterait 500,00 hommes, et Flavius Aetius, stratège de génie, qualifié de « derniers des Romains », et qui connaît bien les tactiques hunniques puisqu’il a été l’otage de l’oncle d’Attila. Hélas, l’histoire n’a pas retenu son nom comme celui du roi des Huns. Et pourtant, c’est lui qui stoppa net, lors de cette bataille, la fin des incursions ‘barbares’ en Gaule.

Attila meurt deux ans plus tard. Non le glaive à la main, sur un champ de bataille, mais la nuit de ses noces avec sa nouvelle épouse Ildico. Certains historiens avancent l’hypothèse qu’il aurait été assassiné sous les ordres de l’empereur Marcien. D’autres, plus terre à terre, préfèrent imputer son décès à un excès de boisson… quoi qu’il en soit, sans cette mort prématurée, on peut légitimement supposer qu’il serait revenu à l’attaque contre l’empire romain, et celui-ci, agonisant, ne l’aurait pas repoussé longtemps.

Après sa mort, son empire se disloque. L’Occident peut dormir tranquille. Du moins, jusqu’à la conquête arabe…


MKSabir

Et si… Toutankhamon n’était pas mort à 18 ans ?

Et si… Toutankhamon n’était pas mort à 18 ans ?

Certaines civilisations sont si éloignées de nous qu’elles ont l’air de venir d’une autre planète. Si on prend la civilisation romaine ou grecque, on peut trouver des liens d’affiliation avec la nôtre, mais la civilisation égyptienne elle, de part ses coutumes, ses habits, ses mœurs, ses représentations et monuments, et même le physique de ses personnes, est à des années lumières de notre héritage culturel et moral.

Sauf peut-être pendant le règne d’Amenhotep IV, plus connu sous le nom d’Akhenaton ! Avant la cinquième année du règne de ce pharaon de la huitième dynastie, pas grand-chose le distinguait de ses prédécesseurs, mais un beau jour, victime sans doute d’une épiphanie dont seuls en sont capables les grands visionnaires ou alors, thèse moins romantique, pour des raisons politiques, comme en sont capables les petits hommes, il décida d’abandonner le polythéisme traditionnel égyptien pour un monothéisme approximatif (un peu à la manière du christianisme qui n’est pas un pure monothéisme à cause de la doctrine de la trinité) autour de la figure d’Aton, le disque solaire (qui ne serait en fait qu’une émanation, on pense aux hypostases de Plotin, et incarnation de ‘Rê-Horakhtym’, ce qui à nouveau nous renvoie au christianisme avec le fils et le Saint-Esprit). Dans les faits toutefois, nous aurions plutôt affaire à une sorte d’hénothéisme, où plusieurs Dieux sont révérés mais il y en a un qui occupe un rôle proéminent entre tous les autres.

Ce culte n’aura duré que le temps du règne de ce pharaon, c’est-à-dire pendant 17 ans environ. Après cela, pendant le règne du prochain pharaon, dont le monde connaît le nom uniquement à cause des ‘trésors’ découverts en 1922 par Howard Carter et Lord Carnavon, Toutankhamon, le culte d’Aton sera considéré comme une hérésie et les prêtres essaieront d’effacer toute trace de son existence. La nouvelle capitale, Akhetaton, est délaissée pour se rétablir à Thèbes et ensuite à Memphis.

Le jeune pharaon succède à sa sœur ainée et monte sur le trône sous le nom de Toutânkhaton ; mais son jeune âge l’empêche de s’imposer et c’est un certain Aÿ, connu sous le titre de ‘Père Divin’ et le général Horemheb règnent à sa place. À la mort de Toutankhamon, les deux lui succèdent tour à tour. Pendant cette période de corégence, l’ancien culte amonien est rétabli.

Selon certaines hypothèses, notamment émises par l’égyptologue français Nicolas Grimal, déjà sous le règne du père d’Akhenaton, Amenhotep III, commençait une ‘solarisation’ des principaux dieux égyptiens et celle-ci connu sont apogée quand son fils changea son nom pour se faire appeler « celui qui plait à Aton », Akhenaton (à ne pas confondre avec le chanteur du groupe de rap marseillais).

Selon Freud, dans son Homme Moïse et la religion monothéiste c’est ce culte qui serait à l’origine du judaïsme, et Moïse ne serait véritablement qu’un égyptien et non un hébreu « sauvé des eaux » et qui aurait continué à pratiquer le monothéisme et voyant que les hébreux partageaient un culte similaire au sien, décida de s’allier à eux. Après tout, n’est-ce pas Aaron qui parle aux hébreux ? Sans doute parce qu’un égyptien ne connaît pas leur langue !

Si cette hypothèse s’avère vraie, et que Toutankhamon n’eut pas disparu dans d’étranges circonstances et eut trouvé la force de faire perdurer le rêve de son père, il n’y aurait sans doute pas de judaïsme, du moins tel que nous le connaissons, et en conséquence, ni de christianisme ni d’islam.

Ainsi, ce jeune pharaon, dont le nom n’est connu qu’à cause de quelques babioles qui garnissaient sa sépulture, aurait pu changer la face du monde.

Aujourd’hui, c’est peut-être le disque solaire que nous adorions.

MKSabir

Et si… il n’y avait pas eu le 11 septembre ?

Et si… il n’y avait pas eu le 11 septembre ?


Il y aurait toujours eu le 12 septembre ! Ce que j’entends par cette boutade c’est que sans les avions dans les tours jumelles, le soleil se serait quand même levé le lendemain !

Mais ground zero, est devenu, pour parler comme Mircea Eliade, un Axis mundi, le lieu hiérophanique par excellence.

La vérité est que les images des avions s’écrasant dans les tours jumelles ont été le prétexte à une guerre que non seulement les néo-conservateurs désiraient (déjà pendant la présidence de Clinton, Perle avait envoyait une lettre à ce dernier l’enjoignant de renverser Saddam Hussein et d’envahir l’Irak) mais dont l’Amérique, en tant qu’entité, avait besoin.
Déjà, le citoyen Hearst pratiquait le Storytelling ! Et cette pratique est plus que jamais de mise après le 11 septembre, Bush demandant à Fox News : Dessine-moi une guerre !

Les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis et ceux du 11 mars à Madrid entrent dans le cadre de guerres conventionnelles étant donné que ce sont les civils de ces pays qui ont élu les gouvernements contre lesquels se battent ceux qui ont commis ces attentats… PUISQUE TOUTE GUERRE EST CONVENTIONNELLE, car comme le fait remarquer très justement Todorov dans Mémoire du mal. Tentation du bien : « La démocratie ne produit pas les mêmes effets que le totalitarisme ; pourtant, les enfants massacrés ne font pas la différence entre bombes totalitaires et bombes humanitaires, atomiques ou conventionnelles » !

Après ces attentats, une vision eschatologique et théologique se dessine, mais qui était déjà en germe depuis la guerre froide, sous la forme du discours de G. W. Bush lors de son « state of Union address » en 2002 ; en effet, ce jour-là, il parle de « l’axe du mal ».  Cette expression que l’on doit au néo-conservateur David Frum devait d’abord être « axe de la haine » mais Bush l’a changé en « axe du mal » afin de faire écho aux « puissances de l’axe » que constituaient l’Allemagne, l’Italie, et le Japon pendant la guerre 39-45 (les anciens égyptiens expliquaient les mythes par des jeux de mots- aujourd’hui, les jeux de mots servent à expliquer les guerres, à les bricoler. Plus que jamais, Barthes a raison : la langue est fasciste)… Déjà, Truman désignait l’Union Soviétique de puissance du mal ; on peut ainsi constater un fort référent historique et religieux dans une telle expression ! Mais contrairement aux puissances de l’axe qui avaient en commun l’idéologie fasciste, rien ne lie idéologiquement, religieusement ou culturellement l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord, les deux premiers s’étant entre-déchirés pendant une guerre longue de 10 ans, l’Iran étant chiite et reposant sur une structure de gouvernance religieuse, l’Irak étant sunnite, laïque, et le partie baasiste reposant sur le socialisme, et la Corée du Nord étant communiste et athée !
Mais l’énonciation « Axe du mal » est une phrase performative. Il donne aux pays qu’il désigne un statut nouveau, à la fois aux yeux de ladite communauté internationale, mais aussi pour eux-mêmes, qui se posent de facto en opposition à celui qui les a rangé dans cette catégorie.

Même si ensuite C. Rice parle de « outposts of terror », il est probable que Bush ait mis la Corée du Nord dans le lot et pas la Syrie originellement (même si on murmure beaucoup le nom de ce pays entre les murs du Pentagone) afin de ne pas laisser croire à une croisade contre l’Islam, mot qui revient pourtant souvent dans la  bouche du président américain, et qui ne peut pas ne pas faire penser à une opposition frontale entre la chrétienté et le monde islamique…

Bush déclare au Congrès le 20 septembre 2001 : ceux qui ne sont pas avec les Américains sont contre EUX ; mais il ne faut pas tomber ici dans le piège inverse, et adopter une vision manichéenne, en faisant des Américains, les méchants, voulant être le loup dans le poulailler moyen-oriental ; mais c’est presque une raison déterministe qui fera que ce sera ainsi ! Un vide tend toujours à se combler ; et comme le dit Hérodote, jamais aucun Etat qui a eu en sa possession les pleins pouvoirs n’a pas utilisé pleinement ces pouvoirs ! Une puissance est tout le temps utilisée de manière maximale, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien, ce qui permet dès lors la chute d’anciens empires et la naissance de nouveaux.

Sans le 11 septembre, l’Amérique ne se serait pas enlisée en Irak et en Afghanistan et n’aurait pas ainsi amorcé sa chute…

Merci qui ?


MKSabir